Un autre monde : neige sur Mars…en juillet.

Réveil au refuge :

Petit matin au refuge de Dreki, à Askja en plein centre de l’Islande, en cette fin juillet.
Pas dérangés par les voisins aux alentours et pour cause : pas âme qui vive à des dizaines de kilomètres à la ronde… quoique hier, un bus haut sur roues est arrivé et une dizaine de tentes vertes type igloo se sont montées près de notre bâtiment ; il semble que ce sont des élèves guides en stage. Ils ont couché à la dure, sur le sol et sous la tente !
Nous on profite de notre minuscule chambre à l’abri dans le refuge… et encore prévue pour 6 personnes, mais heureusement pour nous, les deux dernières ne se sont pas présentées !

Mini chambre au refuge du Drekki

Petit coup d’œil par le rideau qui occulte la fenêtre ; surprise : une fine pellicule blanche de neige recouvre le sol et le toit avoisinant ! Il a neigé dans la nuit à 700m d’altitude ici sur le Drekki en cette fin de juillet, et pour aller au bâtiment voisin des toilettes il faudrait passer dehors à pas loin de 0°C. Heureusement on en a découvert dans le bâtiment, et s’il n’y fait pas chaud, on y reste d’autant moins longtemps…
Le temps de déjeuner et de remballer nos affaires, le refuge s’est complètement vidé ; le poêle ronronne avec sa marmite d’eau chaude dessus.

La salle commune du refuge.

Pendant le déjeuner, un garde du parc est venu parler avec nous et demander où nous allions, il nous a conseillé pour aller voir la gorge de Drekagil et surtout il nous a informé qu’un gué vers l’Herdubreid était très haut ; comme on comptait passer là pour le retour, il nous conseille d’aller nous rendre compte sur place, on peut randonner et voir par nous-mêmes si c’est passable.

On se prépare à affronter le froid et on commence par charger nos bagages dans la Land Rover, puis direction vers la gorge de Drekagil « la gorge du dragon » juste derrière le chalet, d’où s’échappe un petit torrent qui passe derrière les bâtiments du refuge.

Drekagill, la gorge du dragon.

Dans la gorge du dragon :

Le sentier part sur la droite avec la canalisation de prise d’eau pour le chalet, et remonte le long de la gorge aux parois de lave noire parsemé au fond de pierre ponce jaune, et de neige sur les dessus…
Est-ce utile de préciser que l’eau est glacée ?

Le torrent qui alimente le refuge.

Des formes fantastiques de lave sur les dessus ont dû faire fantasmer les premiers explorateurs pour lui attribuer ce nom de « gorge du dragon ».

Partout des laves noires déchiquetées, quelques fois comme des gargouilles, on monte et descend au gré des rochers sur le bord, un passage dans un névé de neige, puis la cascade apparait au fond de la gorge.

Elle tombe en hauteur dans un bassin au milieu de la neige et des rochers avec quelques traces de mousse verte. Des variations de couleur de la lave entre noir, gris et rouge enlèvent un peu de sévérité à l’endroit.

Au fond de la gorge : la cascade.

Retour vers le refuge toujours sous les formations de laves : tours, trouées, pitons qu’on n’a pas vus à l’aller. Cela donne vraiment l’impression de mottes projetées et solidifiées telles qu’elles.

Le torrent court au fond de la gorge, quelques fois sous d’épaisses plaques de neige, tantôt on le surplombe tantôt on passe juste à côté par le sentier qui nous ramène au refuge.

Tous les véhicules sont partis, il ne reste que notre Land Rover et celui des gardes du parc de Vatnajökull lorsqu’on embarque pour la prochaine halte : le refuge de Kverkfjöll, en bordure du glacier.

Retour au refuge.

Kverkfjöll « les montagnes de la gorge »

Depuis le refuge du Dreki, notre but est d’aller plus au sud vers le glacier du Vatnajökull ; ça nous semble bizarre d’aller au sud pour trouver un glacier mais c’est un des paradoxes de l’Islande, mais pas plus que la neige à 700m d’altitude ce matin de Juillet…
Nous tentons d’abord d’aller jusqu’ à L’Herdubreid, « la reine des montagnes » comme elle est surnommée, malgré le mauvais temps, mais nous avons décidé de ne pas tenter la chance avec un passage de gué risqué comme nous en avons discuté avec un des rangers du parc.

La route file au nord sur l’autre rive de la Jökulsa, parfois dans un tapis de ponces ocre au pied de monts noirs perdus dans les nuages, parfois entres champs de lave bombés, arides et sablonneux de cendres.

Et même sans personne à la ronde à des kilomètres, on fait des rencontres inattendues comme ce bus au passage d’un dos d’âne ; heureusement qu’on faisait une halte photo ! Mais tout se passe toujours bien sur les pistes en Islande : croisement, manœuvres, passages de gué, il y a toujours de la compréhension et de l’entraide.

Passage de bus…

Par endroits on vient flirter tantôt avec le pied de montagnes balafrées de ponces et de neige, ou le cours de la Jökulsa, calme ici par contraste avec son cours en aval.
Finalement on renonce à atteindre le refuge de l’Herdubreid : le plafond de nuages bas qui entoure le mont éponyme et de la neige sur ses flancs ne sont guère encourageants, on n’aurait pas vu grand-chose !

Plafond bas !

Descente plein sud vers le glacier, par la même route qu’hier, piste zigzaguant entre les montagnes tabulaires, décor ocre, gris toujours très minéral.

Piste dans le désert

Passage du pont sur la Jökulsa tumultueuse, puis à présent dans une plaine noire et sableuse aux formes adoucies. Quelques collines noires aux traces vertes de mousses semblent se teinter de rouge par endroits.

Le fleuve Jökulsa plus modeste qu”en aval…

La route continue immuable dans les sables parsemés de rocs éparpillés, curieusement, sur le sol il semble que les graviers et cailloux sont incrustés dans le sable pour former un revêtement style « granito » ; résultat de l’action des glaciers ou érosion ?

Granito islandais.

Panorama sur l’Oddarhaun : (cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Subitement la route qui ondulait jusqu’à présent entre les rochers vient se heurter à ce qui semble être une muraille de plusieurs mètres de hauteur : une immense coulée de lave de couleur foncée qui se détache sur la grisaille des rochers ambiants.

une coulée de lave barre la route ?

La route se fraye un passage à grands coups de lacets, montagnes russes pour un passage optimum entre les monticules de laves sombres et déchiquetés dans cet environnement dantesque.

Peu de végétation dans ce désert.

La route continue « au-delà du Mur » comme dans Game of Thrones, sauf qu’il ne s’agit pas d’un mur de glace – ou pas encore – mais de laves ; et sans sauvageons… Quant aux spectres, la mythologie islandaise s’en charge, les silhouettes fantasmagoriques du paysage n’y sont pas pour rien !

Paysage aux silhouettes fantasmagoriques.

La piste passe par des vallées lugubres où l’on penserait être les premiers explorateurs, si ce n’étaient les autres traces de pneus qui marquent le sol. Au loin, des montagnes fantomatiques émergent de la brume, plan après plan.

Un carrefour, des panneaux : Kverkfjöll 17 km ; décidément ça se mérite et on n’y vient par hasard ou sur un coup de tête…

Route vers Kverkfjöll .

(Land) Rover sur Mars :

Le spectacle de la route vaut à lui seul le déplacement : nous roulons à présent sur une piste rouge carmin, faite de scories rouges entre les rochers de lave noire avec un dégradé de monts gris enneigés se perdant dans la brume en arrière fond. Spectacle garanti !

Piste de scories rouges.
En rouge et blanc…

Un dôme de scories présente lui aussi des variations de teinte dans les rouges, il est peut-être à l’origine de ces scories rouges, une tache rouge vers le sommet et des rayons qui s’en éloignent d’un côté.

Enfin la piste rouge brique surplombe une immense plaine étendue limitée par une barrière blanche à l’horizon : le glacier Vatnajökull.

Au fond : le glacier Vatnajökull.

Kverkfjöll

C’est en fait un massif volcanique sous-glaciaire, encore actif dû à la présence de magma à proximité sous la surface. Sa température provoque des rivières d’eau chaude sous la glace qui s’écoulent dans cette région en créant des grottes, qu’il ne faut pas explorer en été sauf à être accompagné par des rangers du camp, car il y a déjà eu des accidents mortels.
Un des plus hauts volcans culminant à 1860m s’y trouve dans une caldéra de plusieurs dizaines de kilomètres sous la glace.

La piste plonge et on la voit se dérouler jusqu’à deux baraquements : le refuge de Sigurðarskáli.

Le refuge de Sigurðarskáli.

A notre arrivée nous sommes le seul véhicule sur le vaste parking, le site se compose d’un bâtiment principal, d’un autre pour les toilettes –qu’on investit- et d’une zone de camping, le tout dans un peu de verdure qui s’accroche farouchement…

La petite maison sur la prairie.

Renseignement pris auprès de la ranger présente, il faut encore une vingtaine de minutes en voiture jusqu’au glacier et la vue n’est pas fameuse aujourd’hui. Et la température ambiante est de 4°C ! Après une courte halte photo on rebrousse chemin et on rembobine le film de l’aller à l’envers…
Piste rouge, collines veinées sous la pluie fine à présent, montagnes pyramidales solitaires émergeant de la rocaille dans la brume, telles des mésas du Colorado.

Le sol est grêlé des scories rouges sur le fond noir de cendres sablonneuses, qui disparaissent peu après pour laisser place à une grisaille uniforme jusqu’au mur de lave qu’on contourne à l’envers.

Traversée à travers des cendres noires en slalomant car la piste évite les plus gros blocs de lave difforme, comme des icebergs pétrifiés dans une mer de sable. La piste trace son chemin dans des paysages époustouflants tantôt colorés à outrance par les scories rouges…

Paysage tantôt martien…

…tantôt à travers des déclinaisons de gris et noir, pas besoin de « pellicule » couleur, la piste ondule entre des monticules lunaires et des montagnes fantomatiques qui émergent de la brume.

Paysage tantôt lunaire….

On retrouve la piste F910 de l’aller à proximité du pont sur la Jökulsa, puis on remonte vers le nord pour rejoindre la civilisation avec la RN1.

Un autre type paysage à présent, des laves arrondies, cordées et non plus déchiquetées, dans un cadre de pierre ponce ocre, on avait presque perdu l’habitude de la couleur.

Pont sur les rivières, bouquets d’orgues basaltiques on retrouve tout sous un autre angle de vue et un autre éclairage. Les gués ne sont plus qu’une formalité depuis le brevet « passe-gué ».

Passage de gué : facile !

Le temps s’est levé est la visibilité s’agrandit, on entrevoit même des « doubles » montagnes solitaires, c’est dire !

Un peu de circulation, nous n’avons quasiment croisé personne sur la piste depuis le refuge de Kverkfjöll, un 4×4, un bus, avec les presque rituels passage de gué qui ponctuent la remontée.

C’est au travers d’espaces infinis et désertiques de cette étendue sauvage, ponctués de pierres et de rocher qu’on remonte quasiment en droite ligne vers le nord pour rejoindre notre circuit.

En ligne droite !

Retour à la civilisation sur la RN1 et aux couleurs, qui passe par des monts chatoyants et couverts de verdure, qui donnent un effet pastel au paysage. On en avait presque perdu l’habitude !

Le pont suspendu sur la Jökulsa se présente, au passage le fleuve a forci et gagné du volume avec ses affluents et les récentes pluies…et neige.

Le cratère de Hrossaborg

Arrivée au cratère de Hrossaborg.

Prochaine halte : le cratère de Hrossaborg, ou « château des chevaux », car on y rassemblait auparavant les chevaux à l’automne. C’est un immense amphithéâtre quasi circulaire, né d’une explosion il y a 10 000 ans entre une montée de magma et le fleuve tout proche. Cratère de scories et téphras pratiquement circulaire, de 500m de diamètre il impressionne par ses dimensions et sa régularité et par le fait qu’on peut y pénétrer !

Panorama dans le cratère Hossaborg
(cliquer sur l’image ci-dessous)

Panorama dans le cratère Hossaborg (cliquer sur l’image)

C’est en effet un cratère égueulé mais qui a été comblé par les débordements de l’omniprésente Jökulsa et qui a servi de lieu de tournage au film Oblivion, avec Tom Cruise (l’endroit est censé être un ancien stade de football américain détruit par des extra-terrestres, où il répare un drone…), un très bon film de SF pour moi ! Et ce qui ne gâte rien, avec une très belle musique du groupe français M83 .
( A écouter ici : https://www.youtube.com/watch?v=05GPiKPylHY)

Regardez cet extrait d’Oblivion tourné dans le cratère jusqu’à 3:30 :
https://www.youtube.com/watch?v=B39L_tu0PjE
Ça ne vous rappelle rien ?

L’ampleur et la solitude du lieu impressionnent (comme dans le film d’ailleurs), d’autant plus que nous sommes seuls ; pas même un chien abandonné comme dans le film…le cratère est à un jet de pierre de la RN1, mais il est apparemment peu connu.

Par contre, il y a toujours du monde plus loin à Namaskard, sur le site de Namafjall pour admirer ses couleurs cristalisées, ses vasques de boue bouillonnante et ses fumerolles perpétuelles . La vue sur le lac Myvatn se dévoile d’un côté et « l’usine qui pue » – comme on l’a surnommée- et son lac azuréen de l’autre.

Couleurs et odeurs…

Demain, une grosse étape nous attend, et même LA grosse étape : la piste Sprengisandur ou F26 qui relie le nord de l’Islande depuis Godafoss, jusqu’au sud à Hrauneyjar près du Landmannalaugar, en passant entre deux glaciers sur 250km. Il est indispensable de refaire le plein, et de la voiture et de vivres pour plusieurs jours, car on ne trouvera rien pendant plus de 2 jours !

Les moutons c.. au milieu de la piste !

Toujours des moutons c.. au milieu de la piste ! Ils sont en liberté du printemps jusqu’à l’automne, où a lieu le rassemblement pour les trier par propriétaire, dans des grands enclos ronds qu’on rencontre souvent sur la côte sud de l’île.
Au fait pourquoi restent-ils au milieu de la piste alors qu’il ne manque pas de place ailleurs ? C’est en fait dû au sel répandu sur la neige en hiver qui s’accumule dans les creux et flaques d’eau, et dont les ovins sont friands, a-t-on appris plus tard…

Etape à Laugar :

Halte à la capitale locale, à la supérette bien fournie, et c’est rassurés qu’on va terminer notre périple du jour à Laugar près de Godafoss en passant devant des serres illuminées, chauffées par géothermie, qui produisent des légumes dont les islandais sont très fiers, et qu’ils exportent même. Et même des bananes !

Serres chauffées par géothermie.

Nous arrivons tard, mais la maitresse de maison accepte aimablement de nous cuisiner rapidement des truites au four, énormes et délicieuses, et une salade avec de la truite fumée par son grand-père, tendre comme du beurre ! Un repas et un accueil mémorable…

 Nous passons la soirée à parler avec les jeunes propriétaires, d’où nous venons, de l’Islande (saviez-vous qu’il y a à peu près 3 fois plus de moutons que d’islandais), de la météo actuelle (sujet universel…).
C’est le pire été depuis 1996 parait-il (on en avait comme un pressentiment…) de ce fait, des éleveurs ont dû aller dégager des moutons pris dans la neige jusqu’au cou.
Et on finit la soirée autour d’un whisky offert par son mari ; quelle réception ! Ça sera de loin notre meilleur B&B de tout le séjour…

Vue imprenable et reposante sur la région depuis les baies vitrées de la maison, au loin la RN1 et sa circulation (une voiture toutes les 10mn le soir…) pour un repos mérité dans une grande chambre de la maison. Demain petit déjeuner matinal demandé pour partir à 8h30 et affronter la piste Sprengisandurs, ses gués et ses surprises !

Un autre monde : jusqu’à la gorge du dragon

Départ vers Askja

Réveil à la guesthouse Grimstunga de Grimstadir, la neige d’hier soir n’a (heureusement) pas tenu ici ! Neuf habitants l’hiver dans le hameau qui voit sa population multipliée par 5 ou 6 l’été (!), enneigé huit mois sur douze…
L’endroit détient aussi le record de température la plus froide enregistrée par une station météo en Islande…Un proverbe islandais en disait :

« On pourrait presque y entendre les fantômes danser dans la neige… »

Petit déjeuner dans la pièce commune de l’habitation principale, puis départ pour le centre de l’Islande, au bord du Vatnajökull, le plus grand glacier de l’île et d’Europe.
Comme le plafond des nuages est bas, nous avons changé notre itinéraire initial qui était de descendre par la route F88 et voir le massif de l’Herdubreid et son refuge, pour emprunter la piste 901 sur l’autre rive de l’omniprésente Jökulsa à Fjöllum.

De Grimstadir à Dreki, le trajet du jour

Après avoir repris la RN1 , le carrefour qui marque le départ de la piste 901 est là :  une halte pour consulter les panneaux d’information, comme à chaque entrée de piste importante il y a des consignes à respecter pour les passages de gués, pour ne pas endommager l’environnement, la nature mettant des années à récupérer lorsqu’elle est endommagée à cause de la courte période estivale.

Nous allons affronter l’Odadahraun, toponyme signifiant « désert de lave des criminels », une étendue de 4500 km², le plus grand désert volcanique au monde composé de pierres, sable, falaises et laves, avec son pendant : peu de végétation et de faune.
Pas étonnant que les histoires anciennes regorgent de hor-la-loi s’y réfugiant quand on sait que son exploration date seulement du début du 19e siècle.
Malgré cela, on y trouve vers l’est des troupeaux de rennes, introduits en Islande au 18e, des oies sauvages et quelques plantes comme l’angélique dans les rares oasis préservées.

Les pistes de l’Odadarhaun

Möðrudalur

Départ sur la piste, celle-ci est pour l’instant sans problèmes, quelques kilomètres plus loin arrivée surprise à la ferme de Möðrudalur, la plus isolée d’Islande (décidément c’est le jour des superlatifs), composée de quelques bâtiments en bois, pompe à essence, café et une petite église : une vraie halte de village du Far West.

La ferme de Möðrudalur

Son caractère insolite en fait un but touristique, avec sa minuscule église pimpante et ses petits bâtiments typiques en bois aux murs de tourbe, accolés et couverts de gazon à l’ancienne ; un bus touristique est arrêté là ainsi que quelques voitures.

En piste !

En piste !

Dernier point de civilisation jusqu’au glacier Vatnajökull et la côte est, la route n’est plus goudronnée après et c’est une piste caillouteuse qui succède rapidement avec un avertissement de gués à franchir où les véhicules de tourisme sont interdits !

Passage de gués : c’est gai !

La cime enneigée de l’Herdubreid se dresse à droite vers l’ouest, saupoudrée de neige s’élevant au-dessus du désert de rocs marrons polis par l’érosion, montagne tabulaire de 1700m environ où s’ouvre un cratère au sommet.

L’Herdubreid

Un premier petit gué pour traverser une rivière : un coup d’œil à au fond de l’eau et au courant, passage en boite courte, 1ere-2e et ça passe sans efforts !

Au carrefour, direction Askja / Kverkfjöll à 61km de distance pour notre destination, apparemment pas très éloignée, mais on ne fera pas 60km/h de moyenne sur la piste qui n’est pas une autoroute sans compter les gués et bien sûr les haltes photos !

Traversée du désert

C’est une traversée du désert au sens propre, rien aux alentours, pas de végétation, pas même un mouton c’est dire en Islande !

Désert à perte de vue

Le temps se maintient à couvert sans pluie et la poudrée de neige tombée dans la nuit sur ces plateaux brille sous les quelques rayons de soleil.

Piste infinie

Quelques collines commencent à se dresser hors de la morne plaine caillouteuse et un gué plus important se présente ; nous descendons inspecter l’eau : peu de courant, peu profond. Un autre 4×4 Nissan s’arrête aussi. On y va doucement, ça passe et le 4×4 nous suit, de l’eau au-dessus du pare chocs, pendant qu’on attend au cas où, c’est la coutume et l’entraide sur les pistes islandaises…

Au gué suivant c’est l’inverse ils nous attendent et on ne s’arrête même plus, brevet « traversée de gué » obtenu ! Plus loin en s’arrêtant, on discute ensemble : c’est un couple hollando-irlandais qui va à l’Askja pour la journée, nous échangeons nos e-mails avec la promesse d’échanger les photos respectives des voitures… Merci Leon !

Land Rover dans le désert

Quelques touches mauves en touffes rondes, ce sont des silages aux minuscules fleurs, plantes résistantes au climat. Le désert de pierres gris-marron se teinte progressivement de taches ocre-clair au loin, comme d’une végétation rase, couleur qui devient de plus en plus insistante par endroits dans les creux.

Basalte et pierre ponce

Cette teinte jaune devient de plus en plus présente, par bandes, comme une végétation rase et sèche, finalement n’y tenant plus on s’arrête pour constater qu’il s’agit d’un revêtement minéral : c’est de la pierre ponce.


C’est une pierre extrêmement légère, gonflée de petites bulles de gaz, éjectée par les volcans lors d’une explosion ou des nuées ardentes. Moins dense que l’eau, elle peut flotter à sa surface, soufflée par le vent elle s’accumule dans les creux !

Finalement la pierre ponce recouvre le sol entièrement par zones, on trouve même des orgues basaltiques tordues, solidification régulière de coulées de laves cristallisées en piliers octogonaux, avec un sol de pierres ponces jaunes sur fond de montagnes noires du plus bel effet.

La piste se fraye un chemin à travers un paysage constellé de morceaux de rocs de toutes tailles qui témoignent de la violence des éruptions passées.

Désert de pierre

Magnifiques massifs en arrière fond saupoudrés de la neige de la veille, comme l’Herdubreid, surnommé « la reine des montagnes » en Islande, une plaine sombre veinée de pierres ponce jaune-ocre, le tout formant un paysage désertique mais coloré à sa manière.

La piste suit de loin le cours de la Jökulsa qui s’écoule depuis son bassin issu du glacier au sud vers son embouchure par les chutes de Dettifoss, vues la veille, jusqu’à la côte nord à Asbyrgi.  

Le cours de la Jökulsa

Un obstacle original se présente pour la franchir : un pont fermé d’une barrière ? C’est pour éviter que les moutons ne migrent d’une région à l’autre… Ici, le pont de Kreppatunga permet de franchir le cours impétueux de la rivière, en le refermant après passage comme recommandé !

Le pont de Kreppatung

On longe celle-ci plus ou moins pendant quelques kilomètres avec un sommet poudré de blanc en point de mire, le relief n’est plus aussi monotone, les signes de convulsions volcaniques se multiplient : plaques de laves ondulées, laves cordées et ondulées.

Une halte le long de la F903 pour ne pas être privés de désert…Des laves qui ont dû s’épancher de l’un des nombreux volcans qui nous entourent ; sable et rochers, cernés par les massifs montagneux couronnés de neige qui frôlent les nuages, certains frisent les 2000 mètres de hauteur.

C’est l’ Odadahraun qui nous entoure dans ce panorama à 360° (cliquez ici !)

Panorama sur l’ Odadahran (cliquer sur l’image pour le panorama)

Nouveau carrefour vers Kverkfjöll : Askja n’est plus qu’à 28km ; si je m’en réfère aux heures des photos, nous avons mis plus de 2h pour faire 56km… pauses photos comprises !

Et la moyenne va encore tomber quand on s’arrête à nouveau pour immortaliser quelques sommets saupoudrés, où la neige blanche surligne tous les reliefs en se logeant sur les crêtes de chaque ondulation, spectacle grandiose !

Encore un pont avec barrière, cette fois sur la Jökulsa ,bien modeste ici d’une dizaine de mètres de large et qui coule encaissée dans un canyon de basalte noir avec une petite cascade en amont ; rien à voir avec Dettifoss !

Le refuge de Drekagil

La pierre ponce adoucit toujours les teintes sombres des montagnes en recouvrant complètement la plaine par endroits pour une dernière ligne droite avant Askja.

Orage sur le désert de ponces

Façon de parler car la piste serpente entre les blocs de lave et les rochers pas toujours en ligne droite, à se demander s’ils n’étaient payés au mètre lors du tracé ou forcé sur le Brennivin, l’alcool local islandais.

Un mirage ? Un œil exercé distingue soudain au loin des baraquements dans les rochers au pied de la montagne qui barre à présent l’horizon droit devant nous. Magie d’une oasis dans le désert  ! Nous sommes enfin arrivés à Drekagil, « la gorge du dragon ».

Le refuge de Dreki (au centre de la photo approx.)

Quatre chalets en bois peints en vert et rouge, un terrain de camping, surmontés par le drapeau islandais, un bus et quelques 4×4, c’est le refuge de Dreki « le dragon » au cœur de l’Islande, au pied des montagnes saupoudrées, le dernier tronçon de piste est lui aussi blanc de neige.
Nous avons donc mis plus de quatre heures pour parcourir 126 km soit une moyenne de 30 km/h : sans commentaires !

Neige sur basalte

Après avoir contacté le gardien qui nous a indiqué notre chambrette, en principe six couchages dans 3m par 2,50m mais heureusement nous serons « seulement » quatre.
On pose les affaires et casse la croute à 16h dans la grande salle commune du refuge, car on n’a pas fait de ravitaillement depuis le petit déjeuner au départ de Grimstadir. Il y a un coin cuisine, un poêle où réchauffe une marmite d’eau toujours remplie, tel le tonneau des Danaïdes, provenant du torrent à côté : l’eau est potable partout en Islande !

La salle commune avec son poêle et sa marmite

Un petit tour : il y a un bâtiment à côté du refuge avec les toilettes et douches (oui il faut passer dehors…) et au premier étage un dortoir où des dizaines de couchages sont installés ; la « chausserie » habituelle à l’entrée qui demande de l’organisation pour les aller-retours à la voiture, une grande salle commune, et deux petites chambres dont la nôtre.

Le chalet d’hébergement

Expédition Oskjuvatn

Comme la journée n’est pas terminée et que le soleil ne se couche quasiment pas en cette saison sous ces latitudes, nous décidons de poursuivre en voiture vers le lac Oskjuvatn. Il se situe juste derrière les contreforts, c’est le plus vaste d’Islande et le plus profond, ainsi qu’un autre petit lac bleuté et chaud, Viti dit « l’enfer », ce nom vous rappelle quelque chose ?
Il faut dire que les noms de lieux en Islande sont souvent descriptifs, comme Hvita « rivière blanche », Viti « l’enfer », de ce fait on les retrouve souvent à différents endroits dans le pays. Ici, entre dragons et enfer, que des noms attirants…

Toujours dans ce décor sombre de montagnes de basalte noir veinées par la neige qui surligne tous les contours et dépressions sur les flancs, nous prenons la piste qui mène au lac Oskjuvatn avec le Land Rover.

Cratère égueulé

Quelques kilomètres c’est l’affaire de quelques minutes en 4×4 à priori, même si la piste progresse à présent entre deux murs de 1m de neige, elle est bien dégagée. Sauf que plus on avance, plus les murs de neige ont la fâcheuse tendance à augmenter…

Fin de la piste !

C’est un désert de lave et de neige à présent, les écueils de basalte noir émergent hors de la mer de neige blanche qui descend depuis le sommet des montagnes, pour finalement recouvrir l’ensemble du paysage.
Et brusquement plus de piste : il y a un parking dans la neige où se sont arrêtés quelques 4×4. Renseignement pris il faut continuer à pied pour atteindre notre but, 9km à pied aller-retour dans la neige, et il vaut mieux se couvrir nous dit-on, il y a des averses de neige et de grésil par moment.
Pour ceux qui auraient oublié : nous sommes toujours au mois de juillet…

Parés pour l’expédition

Les marcheurs blancs

On s’équipe donc avec bonnets, capuches et nos 3 ou 4 couches recommandées, bâtons de marche et sacs à dos et en avant en suivant plus ou moins la piste tracée par ceux qui nous ont précédés.
Peu après un petit panneau annonce 4.5 km jusqu’au lac ; la trace monte régulièrement au flanc de la montagne, la piste devient sentier, puis passe par une baisse entre deux hauteurs et bascule vers une immense plaine enneigée à perte de vue.  

Le but semble s’éloigner au fur et à mesure

Pas de lac encore en vue mais un alignement de piquets jaunes à perte de vue qui jalonnent le passage. Le but semble s’éloigner au fur et à mesure de notre avancée tant on manque de repères dans l’immensité blanche, quand on aperçoit des promeneurs qui nous ont précédés immobiles sur une crête ; c’est là !
Encore quelques centaines de mètres, dans la neige, on gravit une dernière côte et le lac est là dans son immensité…

Lac Oskjuvatn

Lac Oskjuvatn

C’est un long ovale de 4km de large pour 11km² de surface, il est profond de 220m, le 2e en taille derrière le lagon glaciaire de Jökulsarlon pour autant qu’on le considère comme un lac…
Il occupe la caldeira centrale du volcan Askja, le « chaudron » après l’effondrement de la chambre magmatique souterraine à la fin de l’éruption de 1875, d’où sa profondeur. Ce qui n’a pas empêché d’autres éruptions, la dernière datant de 1961.

Surprise ! L’étendue d’eau est entièrement prise par les glaces et recouverte de neige, mis à part quelques places sur les bords, le tout bordé par un écrin de montagnes blanches dont les sommets se perdent dans les nuages, superbe tableau en noir et blanc !

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Une fois nos yeux et appareils photos rassasiées du spectacle on se tourne vers le Viti,  autre petit lac de cratère mais bleuté de 60m de profondeur. Il n’est pas gelé lui et pour cause : sa température est de 22° et il fume même en émettant des bruits dus aux sources qui s’y déversent.
On peut même s’y baigner mais ce jour, pas d’amateurs…

L’enfer bleuté

Retour par le même parcours, à travers la plaine immense suivant les piquets, nous ne sommes pas les derniers mais il ne reste plus beaucoup de monde si ce n’est un petit oiseau à la collerette comme un cache-nez, cherchant pitance….

Oiseau des neiges

Un coup de soleil illumine un temps les sommets voisins pendant notre cheminement, un mont immense éclairé à l’horizon se perd dans les nuages.

Une fois le col franchi, un plafond bas de nuages sombres s’est abaissé, on croit même y voir des éclairs. La plaine de lave déchiquetée aux fantastiques formes noires et tourmentées est traversée, tant mieux il ne vaut peut-être mieux pas se trouver ici à la nuit…

Retour sous le ciel chargé

Retour au refuge, non pas à la nuit noire car il n’y a pas plus de nuit noire l’été que de volets en Islande…
Nous prenons notre repas dans la salle commune avec tous les autres randonneurs rassemblés, ainsi que les petites tâches journalières, copie des photos, plans pour le lendemain.
Des camions 4×4 sont arrivés et des tentes ont été montées dehors devant le chalet ; on ne les envie pas…
Demain nous irons explorer Drekagil, la « gorge du dragon », rouler jusqu’à Kverkflöll, un autre refuge à la bordure du glacier et retour sur Myvatn.

Un autre monde : cercle polaire

Même temps qu’hier, même chemin qu’hier…
Il n’y a pas grand choix de routes en Islande, et encore moins le choix du temps malheureusement.
Il faut juste attendre, suivant l’adage islandais : « si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, attends 10 minutes », voire même comme Vivaldi jouer les quatre saisons en une journée…

Bonne route…


Et on passe le temps en roulant vers notre destination : l’extrême pointe de l’ile au Nord, vers l’océan glacial arctique, juste sous le cercle polaire arctique, le fameux « 66° nord ». Rien que l’évocation de ces trois noms font baisser la température : +2°C au panneau à la sortie de Myvatn (oui, il y a bien un « + ») et nous sommes bien toujours en été…

Reykjalid, la bourgade locale

Route le long du lac, par Reykjalid, la bourgade locale et son animation, puis Namaskard avec son usine sulfurée, et la RN1 qui file droit vers l’est.
On a décidé de descendre par une rive de la Jökulsa a Fjöllum, traduit par « la rivière glaciaire des montagnes », qui est issue du glacier Vatnajökull au sud pour se jeter dans l’océan, au nord.
La route traverse des laves craquelées couvertes de mousses avec en arrière fond des montagnes embrumées, comme les nains du « Hobbit » :

Au-delà des montagnes embrumées
Non loin des sombres cavernes du passé
Dans l’aube bleutée
Il faut aller
En quête de l’or
Pâle et enchanté

Sauf que nous, nous sommes plutôt en quête de cascades !
Un volcan conique presque parfait, le mont Burfell, se profile au loin et se dresse hors de la morne plaine avec ses craquelures de gâteaux trop cuits.

“Gâteaux” volcaniques

Par endroits, d’antiques cairns tracent l’ancien chemin pour ceux qui traversaient le désert, comme le long de la piste Kjöllur, que nous avons parcourue il y a…quatre jours !
La route est quasiment droite, sans obstacles majeurs.

D’antiques cairns tracent l’ancien chemin

Après avoir obliqué sur la rive gauche de la Jökulsa en direction d’Asbyrgi, le paysage se change rapidement en un désert caillouteux, où de gigantesques coupoles semblent sortir de terre par endroits.
Toujours un désert minéral à perte de vue, qu’on parcourt sous la grisaille et la pluie, les moindres reliefs prennent une allure fantomatique dans la brume sous la bruine…

Dettifoss : la cascade de tous les superlatifs

Une vingtaine de kilomètres après le carrefour de la RN1, se trouve le parking pour la cascade de Dettifoss, que nous avons déjà visitée lors de notre précédent voyage. Mais vu ses caractéristiques, c’est un incontournable islandais, d’autant plus que nous allons la voir sous un autre angle, depuis la rive opposée où nous l’avions vue la première fois.
Hélas il pleut finement sans arrêt sur le chemin d’accès aux chutes mais on les situe de loin en raison du nuage de vapeur d’eau qu’elles produisent. Encore une montée et on découvre les chutes de Dettifoss sous la pluie, tout est détrempé… Elles ne semblent pourtant pas manquer d’eau !

La chute de Dettifoss

Quelques tentatives de photo en pose longue qui tombent…à l’eau, les filtres sont mouillés, l’appareil aussi…La vue depuis cette rive ne rend pas justice à cette chute d’eau spectaculaire, haute de 44m avec un débit de 200 m3/s considérée comme la plus puissante d’Europe ! Elle charrierait 500 000 tonnes d’alluvions par an…
Si vous avez vu le début du film Prometheus de Ridley Scott, on peut voir la chute d’eau de Dettifoss dans la première scène du film lorsqu’un vaisseau extraterrestre arrive sur Terre…je ne vous en dis pas plus !

La cascade la plus puissante d’Europe

Une tentative pour se rapprocher des chutes de Selfoss en amont de Dettifoss, à quelques centaines de mètres, mais l’accès est aléatoire et pas très bien aménagé avec des ruisselets qui courent, et des bras d’eau à franchir.

Chutes de Selfoss , en amont.

Un coup d’œil sur le lit de la Jökulsa taillé entre des parois d’orgues basaltiques et comme le temps ne s’améliore pas, repli sur le Land Rover.
Une fois de retour au 4×4 la première priorité est de se sécher et de se changer autant que possible ! Tout est détrempé et dégouline : K-way, pantalons, sac à dos et matériel.
Pause, le temps de récupérer et de se sécher, puis direction : plein Nord le long du fleuve dans son canyon !
On zappe sans regrets la chute de Hafragilfoss plus bas en aval, le site prometteur de Hljodaklettar et sa falaise de l’écho, Raudholar et sa paroi rouge.
C’est pourtant un site où a eu lieu un fait géologique rare : l’éruption d’un volcan sous la rivière, ce qui a provoqué une explosion gigantesque ! Il faudra revenir…

Atlantique Nord : dernière limite

A présent la route n’est plus asphaltée, seul l’accès vers Dettifoss l’est pour les touristes…et c’est maintenant un parcours chaotique sur la piste ravinée et détrempée.

Route défoncée vers le nord

Au fur et à mesure qu’on remonte vers le nord, le mauvais temps semble relativement se calmer ; on franchit le fleuve vers Asbyrgi pour continuer plein Nord sur la route 85.
Ici, une piscine municipale en pleine nature : on a dû exploiter une source chaude…

A voir le fleuve qui paresse à présent dans son estuaire ensablé, on a du mal à croire que c’est le même qu’à Dettifoss ? Puis on commence à longer l’Oxafjördur, fjord de l’océan Atlantique nord, par une petite route droite entre plages et criques battues par les vagues d’un côté et de l’autre, les parois sombres de montagnes noyées dans la brume.

Montagnes noires embrumées

Heureusement, ici aussi les lupins mauves apportent un peu de couleur des deux côtés de la route entre vert et noir. Après le petit port de Kopasker, la quête reprend dans un paysage de désolation, comme si le dragon Smaug du Hobbit avait soufflé par ici : tout est noir, caillouteux et aride, à peine quelques lambeaux de verdure.

Enfin s’annonce discrètement par un petit panneau le carrefour vers la pointe de Raudinapur, et on laisse la route 870 pour un chemin en direction de la ferme de Nupskatla, c’est ce qu’on a lu sur un blog d’ornithologiste pour s’y rendre.

Raudinapur

Avec le plat pays…on s’y croirait avec la mer du nord – de l’Islande – sauf qu’ici pas de dunes pour arrêter les vagues, mais des myriades d’oiseaux qui y ont élu domicile. Il faut franchir et refermer une barrière qui avertit de ne pas déranger les oiseaux ni descendre de voiture jusqu’à la ferme, car c’est une réserve ornithologique.

Lorsque la route se termine près de la ferme de Nupstkatla, elle est constellée d’oiseaux blancs qui doivent se réchauffer au contact du peu de chaleur accumulée par l’asphalte. A notre approche au ralenti, l’ensemble s’envole juste devant le pare-brise, effet hitchcockien garanti !

Effet hitchcockien garanti !

La ferme et ses dépendances sont isolées comme seules au monde, rien à des dizaines de kilomètres à la ronde. On laisse la voiture près des panneaux d’information, signe le livre d’or, à l’abri mais humide – qui s’en serait douté ? – avec un petit mot et on va enfin voir l’atlantique nord de près.

Accueillis par les oiseaux qui cerclent au-dessus de nous, intrus dans leur domaine, piquent et passent au-dessus de la voiture en rase motte puis s’en désintéressent.

Nuées de sternes

Ce sont principalement des sternes arctiques à la tête noire et queue double, il y aussi des goélands et d’autres. Le panneau recense aussi des mouettes, fous de Bassan, des macareux, des guillemots, des fulmars. La plupart migrent et abandonnent le site en hiver.

Sterne arctique en vol

La plage de rochers et galets, battue par les vagues, s’incurve jusqu’au volcan rouge de Raudinapur, ses 73 m dominent deux piliers qui s’avancent en mer, autrefois reliés une arche, mais qui s’est écroulée dans les années 1960.
Ils sont constellés d’oiseaux, on les distingue de loin en une multitude de points blancs mouchetant le roc noir.

On reste sur la plage sans aller jusqu’au cratère : des tronc d’arbres sont rassemblés en tas, polis par les vagues et durcis par le sel, c’est du bois flotté qui avait de la valeur autrefois en Islande car il n’y avait plus de forêts.

Récolte de bois flotté

D’un gris acier, il provient de Sibérie ou du nord de l’Europe porté par les courants marins jusqu’ici, comme autrefois arrivaient parfois des ours polaires…
Les galets sont de toutes les couleurs du gris au rouge et passant par le noir, ocre, lisses, troués veinés, sans cesse rebattus par les vagues en s’entrechoquant.

L’Atlantique nord : la plage de Raudinapur

On imagine la force des tempêtes quand on aura vu des troncs de bois flotté projetés de l’autre côté de la route qui longe l’océan à plusieurs dizaines de mètres de la rive !

Cercle polaire : 66° nord

Nous sommes ici à deux pas du cercle polaire arctique, le fameux 66° nord ; il est là, presque tangible, à quelques encablures en mer, on le sent…
Il traverse d’ailleurs la petite île habitée de Grimsey qu’on peut rejoindre en bateau et s’y faire remettre un diplôme de « passage de la ligne ! ».

Le cercle polaire ou 66° nord n’est vraiment pas très loin : il passe par l’île de Grimsey, où se situe le pointeur en forme de main…

Adieu aux oiseaux posés sur l’asphalte, retour par la petite route étroite accompagné par les oiseaux avec le même cérémonial : passage de barrière soigneusement refermée, qu’on retrouvera tout au long de notre périple islandais. Paysage de lac gris acier, chemin qui ondule entre lande et désert sombre de cendres et cailloux.

Descente finale cap au sud vers Grimstadir, notre gîte du jour. Halte le long du fjord où un pilier de lave s’élève en mer avec une arche trouée, l’endroit est venté, la plage colonisée par les oiseaux et des canards barbotent au bord, pas frileux !
La route est bordée de lupins mauves en fleur, qui s’étendent parfois sur des centaines hectares jusqu’à la plage du fjord, étouffant toute autre végétation à part les angéliques, sous le ciel de plomb.

Route bordée de lupins
Envahissants lupins !

Il ne pleut plus depuis notre arrivée sur la péninsule et on entrevoit un bout de ciel, un coup de soleil fugace illumine le fjord pour quelques minutes, une grande baie où les rouleaux se succèdent par vagues, tel est le paysage de l’aller qui se déroule à l’envers.

Soleil sur le fjord

Nous redescendons par l’autre rive de la « rivière glaciaire des montagnes », la Jökulsa a Fjöllum, par la route 864.  Autant elle nous avait laissé de bons souvenirs sous le soleil et elle était roulable lors de notre précédent périple, autant elle est à présent défoncée, truffée de nids de poules, avec la pluie qui a repris et n’arrange rien !

Route vers Grimstadir

On nous apprendra qu’elle est délaissée maintenant au profit de la route prise à l’aller…Ça se voit !
Enfin arrivée à Grimstadir, comme dit notre roadbook, on ne peut pas le manquer, perdu au milieu de nulle part !

Grimstadir, notre halte du jour

Domaine de Grimstadir, dans le nord-est de l’Islande : 300 km2, neuf habitants, installés au milieu d’un plateau enneigé huit mois par an, à 45 kilomètres du village le plus proche. Il y a cinq maisons à Grimstadir, dont deux sont habitées.
En 2011, tout change : ils apprennent qu’un milliardaire chinois veut acheter le domaine pour construire un hôtel de luxe avec terrain de golf, club d’équitation, piste d’atterrissage… Brouille entre les habitants, pour ou contre ?
En fait il s’agirait d’établir une future étape en Islande, lorsque le passage des bateaux sera facilité par la fonte des glaces due au réchauffement climatique !

Installation et repas le soir dans notre maison que nous partageons avec d’autres personnes, au calme, à l’écart de la RN1.
Comme d’habitude, des chambres, un salon commun avec livres, TV pour discuter, et une cuisine bien équipée avec une grande table pour manger.

Nous aussi sommes naufragés à Grimstadir !

Le soir tombe, une fois installés, nous préparons notre repas et mangeons en parlant de notre route du lendemain vers le centre de l’Islande, l’Askja.

Il est 20h…
Nous sommes le 19 juillet…
En plein centre désert de l’Islande…

…Dehors, il se met à neiger !

Bienvenue en Islande…