Un autre monde : route Nord

Nous sommes à présent au nord de l’Islande, après avoir traversé l’île du sud au nord en partant de la pointe sud-ouest à l’aéroport de Keyflavik et une halte dans les montagnes de Kerlingarfjöll. A travers pistes et déserts, nous avons rejoint la civilisation et la route n°1 pour faire notre seconde halte près de Varmalid, petit village dans les prairies verdoyantes.

Varmalid

Réveil gris à la guest house Steinstadir à Varmalid : sous un ciel de plomb, il bruine lorsque nous partons. Nous cherchons les cascades de Reykjafosss qu’on a localisé à proximité d’ici lors de nos préparatifs, mais au vu du cours calme de la rivière on doute qu’elles soient par ici.
Renseignement pris auprès de la guest house, la jeune fille m’a expliqué qu’elle doit se trouver un peu en aval : il faut tourner au prochain pont à droite, passer la rivière et après une montée prendre une piste à travers champs jusqu’au point de vue.
En suivant les indications on trouve bien les chutes d’eau, au bout d’une marche à travers champs et portails à bien refermer après passage. Elles sont splendides !

Les cascades de Reykjafoss

Les chutes sont étagées en de multiples niveaux par paliers, s’alimentant les uns les autres, on dirait un jeu de construction cubique arrosé…La rivière fait un coude juste avant les chutes et une autre rivière rejoint le bas des cascades dans un canyon.

Les chutes sont étagées en de multiples niveaux

Même s’il pleut et qu’il fait gris, on s’attarde à les photographier sous différents angles ; en effet un ciel nuageux ajoute toujours du relief par rapport à un ciel uniformément et désespérément bleu ; ici on est gâtés…

Les chutes se jettent dans un canyon

Vydimiri

Étape suivante juste à quelques encablures, à Vydimiri, pour sa petite église de bois noir aux murs de tourbe. Depuis le 12e siècle une église existe ici mais celle-ci date de 1834, tout en ayant réutilisé des vestiges de 1616, et elle sert toujours pour les offices religieux.
Il n’y a personne lorsqu’on arrive alors que s’annonce un bus de touristes ; on se dépêche de passer le portail de bois vert tendre puis le portillon vert foncé (décidément le curé local est écolo !) du cimetière avec ses deux cloches.

A Vydimiri

Et voici l’église au bout d’une petite allée dallée : les soubassements des côtés sont en plaques de tourbe, posés en diagonale : pourquoi ? Il semble que cette disposition résiste mieux aux tremblements de terre…

L’église au bout d’une petite allée dallée

Murs de bois teints en noir, autrefois c’était avec le goudron des bateaux, aux encadrements soulignés en rouge, le toit est couvert de plaques de gazon, du soubassement au sommet, l’herbe pousse dru ; est-ce qu’on la tond seulement ? On a parfois vu des moutons s’aventurer sur des toits semblables.

Soubassements en plaques de tourbe

Pas de signes religieux hormis la discrète croix au dessus du portillon et au faîte du toit où deux planches se croisent comme des cornes de taureaux.
Pas de signes ostentatoires, en effet l’écrasante majorité des islandais sont luthériens, mais une grande partie aussi -bien que cela ne soit pas considéré comme une religion-, croient aussi en la présence d’un Huldufólk, (« peuple caché ») en affirmant croire aux peuples invisibles et merveilleux et en la présence de trolls et d’elfes dans le pays…
Attention on ne rigole pas ! Un projet de route a même été détourné car celle-ci aurait traversé un rocher connu pour abriter des elfes.
Une autre planète, aux autres croyances…

Porte basse, fenêtres carrées et minuscules on se croirait plutôt près d’une maison de conte de fées qu’à l’église…

L’intérieur de l’église de Vydimiri

L’intérieur est intégralement en bois, et tout aussi splendide que minuscule : du sol au toit en passant par les murs, grilles et les bancs, tout est en bois. Ce qui est du luxe en Islande où le bois était une matière d’exception, toutes les forêts ayant été rasées dans le passé, le seul disponible étant le bois flotté arrivant poussé par les courants marins, souvent de Sibérie…

En bois du sol au plafond

Autour de l’édifice, une prairie verte, des arbres, un cimetière clos par une petite grille de bois vert. Quelques tombes où les noms finissent en « dottir » (fille de..) ou « son » (fils de…) vous vous rappelez ?

L’arrière de l’église

La horde touristique est repartie ainsi qu’un groupe de motards. L’église et son cimetière retrouvent le calme séculaire et sa sérénité près du ruisseau, à l’abri de son écrin dans la verdure.

Route vers Myvatn

Reprise de la grand route RN1 vers Myvatn, notre destination. Ou du moins c’est ce que nous croyons…Quand on croise la ferme de Glaumbaer, qu’on a déjà visité il y a quelques années et qui se situe vers le nord ! Des vestiges d’une ferme typique aux petits bâtiments accolés, au toit couvert d’herbe, adossés à la colline…et beaucoup de touristes car l’endroit est pittoresque et témoigne du passé islandais.

Tant pis, on a le temps sur cette étape et on poursuit notre chemin vers le nord, le long du large estuaire d’un fleuve qui semble paresser en slalomant dans son large lit entre les prairies où l’on fauche l’herbe pour l’hiver. L’été ne dure que deux mois ici et il ne faut pas perdre de temps, certains champs sont ponctués de ballots d’herbe empaquetés de blanc.

Fenaison et ciel bas

Beaucoup de grosses fermes aux couleurs chatoyantes, vert olive, bleu canard… les nuages s’accrochent toujours aux coteaux des montagnes et ne semblent pas décidés à lever le camp. Enfin on voit non pas le bout du tunnel, mais la ville de Saudarkrokur au fond de la baie de Skagafjordur qu’on franchit sur un pont à l’embouchure avec un panneau “Attention vols de fulmars” ; non, il n’y a pas de base aérienne à proximité, ces sont de grands oiseaux de mer !

Saudarkrokur et la baie de Skagafjordur

On espérait se rapprocher d’un phare pour la vue mais sans succès, donc on redescend vers la RN1 après un arrêt panoramique en haut d’une côte dominant l’eau bleu-vert de la baie. Une descente vertigineuse et c’est l’autre côté de l’estuaire avec ses prairies verdoyantes, puis on retrouve la route principale après ce détour involontaire.

Route vers Myvatn

La route sinue à présent comme dans une vallée alpine entre deux montagnes et au milieu coule…un torrent. Le temps a l’air de se lever et on aperçoit des bribes de bleu dans le blanc laiteux du ciel. Il reste quand même une belle couche cotonneuse qui occupe presque la moitié de la visibilité latérale. Le paysage est bucolique avec ses prairies, son torrent, ses fleurs qui contrastent avec les déserts de la veille.

On oublierait pour un instant qu’on se trouve au pays des volcans et glaciers… Tous les sommets avoisinants dépassent les 1000 m et sont couverts de neige, l’un d’eux est même couronné de nuages, leurs versants charbonneux et ravinés se couvrent de verdure d’un vert cru qui tranche singulièrement sur le sol noir.

Écharpes de nuages sur les montagnes

Dans les zones humides poussent des linaigrettes, blanches et duveteuses qui survivent au froid hivernal. Les nuages tentent un dernier round en s’accrochant aux sommets mais c’est le soleil qui l’emporte enfin dans un ciel bleu sur le paysage alpestre peuplé de…moutons, bien sûr !

Montagnes noires et pâturages verts.

Petites fermes colorées en bleu, vert, rouge, vallée glaciaire façonnée par les antiques glaciers il y a des milliers d’années, petit à petit on se rapproche de Akureyri, la 2e ville du pays avec…18 000 habitants.

Halte à côté de la route, au bord du torrent sur une aire aménagée dans les arbres, tout y est prévu : tables, poubelles, WC, panneaux explicatifs, vraiment bien aménagé et on retrouve cette attention à chaque site touristique jusque au fin fond du pays !

Halte bucolique

La halte est bucolique dans les arbres, le trafic routier n’est pas l’autoroute, il y a peut-être une voiture à la minute. Le torrent d’eau émeraude coule juste à côté, une fermette aux tons bleu canard s’agrippe aux flancs de la montagne et des écharpes de nuages s’accrochent aux sommets, un vrai tableau coloré.

Paysage bucolique d’Islande

Une fois restaurés la route reprend et débouche alors de la vallée encaissée dans une plaine au bord du fjord Eyjafjördur au fond duquel se blottit Akureyri. Route moins sinueuse, paysage entièrement agricole de champs et fermes, toujours notre torrent bleuté comme guide et les nuages accrochés aux montagnes.

Akureyri

A présent nous sommes tout proche d’Akureyri, l’horizon est barré par une chaine de montagnes à moitié enneigées de l’autre côté du fjord, c’est normal nous sommes à présent dans le nord-est de l’île, une des régions plus froides, les hautes terres du centre mises à part.
La route surplombe le fjord et son eau d’un bleu profond ; petit arrêt photo panorama sur le côté, qui vaut le coup d’œil avec en prime un ciel bleu et le soleil qu’on n’avait pas revu depuis notre arrivée, quoique nettement moins chaud que dans le midi…

Au bord du fjord Eyjafjördur

Ville de 18 000 habitants, 2e ville du pays, hormis l’agglomération de Reykjavik. Tout est dit, les 2/3 de la population sont autour de la capitale, Reykjavik, il reste un peu plus de 100 000 islandais sur 100 000 km², le calcul est vite fait : un habitant au km² environ ! Mais Akureyri reste une ville agréable, au bord du fjord azur sous le soleil, ne serait-ce la neige aux alentours (et la température !), le port avec ses voiliers se donne un air tropical.
Au fait vous avez peut-être déjà entendu parlé d’ Akureyri ? Si vous avez lu “L’étoile mystérieuse” avec Tintin, c’est là que le bateau de l’expédition polaire commandé par le capitaine Haddock fait halte pour se ravitailler. Fin de l’épisode littéraire !

Vue du port d’ Akureyri

Une halte à l’office du tourisme pour essayer de trouver un canyon à visiter, un tour de magasins et c’est reparti, la route contourne le fjord Eyjafjörður jusqu’au fond et gravit la rive opposée. De là, une vue plonge sur toute la cité d’Akureyri et ses quais qui accueillent même un paquebot de croisière.

 On distingue aussi la cathédrale à l’architecture moderne semblable à la Halgrimskirkja de Reykjavik, en orgues basaltiques stylisées : c’est normal, c’est le même architecte ! Et toujours les lupins omniprésents qui illuminent le paysage et colonisent l’île.

Un magnifique panorama avec les montagnes veinées de neige à l’arrière-plan, la ville au bord de l’eau dans son écrin de verdure et le fjord bleu qui s’étire à perte de vue. Certaines montagnes à droite vers l’embouchure ont l’air d’avoir été rasées au couteau à la même altitude, ceci est dû, parait-il à des éruptions sous le glacier qui recouvrait alors l’Islande.

Akureyri et les montagnes plates en arrière plan

Toujours plus avant, la route remonte le fjord puis oblique finalement vers l’est par un col entre les montagnes noires toujours sous un ciel bleu ensoleillé, et on bascule ensuite vers une vallée verdoyante où là aussi, on a fait les foins, parsemant les champs des balles foin emballées de blanc Plus loin des chevaux paissent parmi des myriades de boutons d’or.

Chevaux et boutons d’or

La chute des dieux :

Godafoss, dite “chute des dieux”, car la légende raconte qu’à l’époque de l’évangélisation de l’Islande, un chef viking y jeta les statues des anciennes divinités païennes en signe de soumission à la nouvelle religion.
A mesure qu’on approche de la cataracte, la brume d’eau qui s’élève des chutes est bien visible.

Les chutes de Godafoss

La cascade fait partie des sites les plus visités sur l’île en ayant l’avantage d’être sur la RN1 ; les mauvaises langues prétendent que la RN1 a été tracée en fonction des sites touristiques…Il y a encore beaucoup de monde en cette fin d’après-midi, malgré le ciel qui se charge à nouveau en nuages sombres.
Le site est magique avec la rivière qui se divise en deux cascades de hauteurs différentes et avec un bloc de rochers qui émergent du bassin pour rompre la monotonie, un vrai régal pour la photographie…

Comme une cascade de lave…

La montagne solitaire :

Dernier tronçon jusqu’à notre halte du soir et pour deux jours, à la guest house Stöng à proximité du lac de Myvatn, car il y a beaucoup à explorer dans la région. Des monts impressionnants se dressent hors de la plaine, avec une montagne tabulaire coiffée d’une bande de nuages affleurant juste le plateau, puis le Vindbelgarfjall qui culmine à 530m, une montagne solitaire comme dans “Le Hobbit” mais -probablement- sans dragon.
On se propose de la gravir pour profiter du point de vue sur tout le lac et ses alentours. Il fait beau, grand soleil et ciel bleu et quand on connaît le dicton islandais “si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, attends dix minutes” on ne sait pas ce que nous réserve le lendemain, donc on tente l’ascension.

Vindbelgarfjall, la montagne solitaire

Petite route à gauche avant le grand lac de Myvatn, le parking est en bord de route, c’est indiqué assez sommairement par un simple panneau. De là un sentier court à travers les laves et les « gâteaux de lave” il y en a plusieurs, et même une bulle de lave ouverte comme un œuf de dragon, on pourrait rentrer sans problème à l’intérieur.

A présent qu’on est au pied du mur, ou plutôt de la montagne, malgré ses 530m elle semble beaucoup plus imposante de près que de loin ! Il y a 250m seulement à gravir en majorité sur 400m de distance…et les petits points qu’on entrevoit sur la crête sont bien des gens, c’est là qu’on se propose d’aller !

L’endroit est très humide, il y a une petite mare et on entend beaucoup d’oiseaux gazouiller dans les buissons ; il y a environ 2 km d’approche plus ou moins plate puis on attaque l’ascension dans les arbustes par des escaliers taillés dans la terre.

Vue sur la plaine et étangs

On gravit ensuite des marches de pierre taillées pour les Trolls puis une sente est tracée dans les éboulis de cailloux, parfois balayés par des bourrasques de vent froid, c’est vrai qu’on est encore et toujours en juillet…

La vue porte alors sur l’arrière montagne, plaine sans défaut avec une immense étendue d’eau aux multiples ilots de verdure illuminée par le soleil, le sentier grimpe en lacets incessants, littéralement à flanc de montagne toujours dans les cailloux, plus ou moins bien tracé.
La fin est moins abrupte mais le sol est plus poudreux et le vent soulève tant de poussière et de sable qu’il faut fermer toutes les écoutilles : lunettes, capuches, pour arriver finalement au sommet !

Une sente est tracée dans les éboulis de cailloux

Un vaste plateau où la vue est époustouflante sur toute la région à plus de 10 km aux alentours. D’abord sur le tout le lac Myvatn à nos pieds, à gauche Reykjalid la “ville” locale, Hverfell l’immense cratère régulier de scorie grises de 1 km de diamètre, Dimuborgir “le château noir” avec ses formations de lave, Skutustadir et ses pseudos volcans.

A nos pieds, la route d’accès et le parking, un Land Rover miniature – le nôtre- et juste à côté, quelques pseudos volcans qu’on n’aurait pas considéré plus que des taupinières autrement.
Pourquoi des « pseudos volcans » ? Car ces cratères presque parfaits ne sont pas issus d’une cheminée crachant lave et scories, mais de coulées de lave bouillante rencontrant des poches d’eau dans le sol, la vaporisant et explosant sous forme de bulles…

Pseudos volcans au bord du lac Myvatn

En arrière-plan derrière le lac Myvatn les montagnes de Blafjall, Burfell et la passe de Namaskard vers Namafjall, la zone du Krafla où continue la RN1. Malgré le beau temps, il ne fait pas chaud au sommet balayé par les vents et on ne s’attarde pas une fois repus de la vue.

Panorama depuis le sommet du Vindbelgarfjall

Panorama depuis le sommet du Vindbelgarfjall (cliquer sur l’image)

La descente est plus rapide que la montée par le sentier zigzaguant dans les cailloux, tout en prenant garde à ne pas chuter…A travers la zone désolée supérieure et caillouteuse la pente est quasiment à 45°, puis le sentier s’assagit vers le bas, toujours avec la vaste étendue d’eau et sa myriade d’ilots verts, qui reflète le soleil.

Passage dans la “forêt” d’arbustes hauts de 1,5 m qui doit s’alimenter de l’humidité lacustre, parsemée de fleurs comme la Bartsie alpine violacée, Silènes et d’autres encore.

Bartsie alpine violacée

Rencontre avec un des oiseaux entendus à l’aller ; il est moucheté sur le dessus, une bande blanche et noir sur le ventre, peu farouche il sautille dans l’herbe à quelques mètres de nous, c’est un pluvier doré !

Un pluvier doré

Fin de l’épisode Vindbelgarfjall, éreintés mais émerveillés, il faut à présent gagner Stong, notre logis. Sur la RN1 à quelques kilomètres, une grande pancarte indique le chemin à travers presque 5 km désertiques de lande, pâturages humides hantés par quelques moutons, arrosés par des ruisselets se déversant dans le fossé au bord de la route d’accès.

Stong

La ferme de Stong abrite une guest house dans des maisonnettes avec une cuisine indépendante, toilettes communes mais très modernes et complètes, chambre miniature mais il y a une table et un lavabo. Nous sommes très bien accueillis et on nous propose le repas du soir, et nous faisons notre choix dans la carte du jour : soupe du jour, agneau rôti ou morue et légume, skyr ou crumble en dessert…On l’a bien mérité après notre ascension !

Au fait… On dit qu’en Islande le plat du jour, c’est la morue. Tous les jours.
Si vous n’aimez pas le poisson ? Bon, c’est un peu exagéré…mais si vous ne voulez pas manger au restaurant car ils sont chers (ou rares parfois) le choix est quelques fois restreint en guest house, au poisson ou agneau, mais tous deux excellents et on est fier de vous servir des produits maison (pain, pâté, confitures…) et locaux (légumes et fruits de serre géothermique) !

Fin de la journée à notre petite maison dans la prairie, pas de risque de se fâcher avec nos seuls voisins à 10 km à la ronde…les moutons.