Un autre monde : Du Nord au Sud

Bien reposés dans des grands lits sous la traditionnelle couette en Islande, ça nous change des lits superposés et des sacs de couchage de la veille au refuge de Dreki dans l’Askja.
Petit déjeuner copieux avec une table couverte de produits maison : confitures, pain, et encore de la truite fumée (je ne m’en lasse pas !), et c’est repu qu’on abandonne presque à regret, la guesthouse Trod North à Laugar, non sans avoir jeté un coup d’œil à sa source chaude particulière qui alimente la piscine, et aux fleurs variées dans le jardin, fierté de la propriétaire.

la guesthouse de Trod North
La guesthouse Trod North

Il nous faut repasser par Godafoss pour accéder à la piste Sprengisandur, et nous en profitons pour jeter un œil à la cascade de Geitafoss, qu’on situe en amont de son ainée, et qu’on distingue de loin depuis la route de Myvatn.

Cascade de Geitafoss

Geitafoss est une autre chute modeste visible depuis la passerelle piétonne qui enjambe la rivière : quelques mètres de haut, deux sauts sur les côtés qui se rassemblent en écumant dans le lit en contrebas. Au-delà le pont routier enjambe élégamment l’eau verte de la Skjálfandafljót qui alimente ces deux cascades.

Le pont routier sur la Skjálfandafljót

La route 842 que nous empruntons d’abord doit nous mener à la fameuse et redoutée piste F26 ou Sprengisandur. Elle part depuis le RN1 non loin de là, remontant le cours du fleuve qui alimente Godafoss, dans une verte vallée aux fermes disséminées ça et là.
Pas mal de moutons sur la route, qui y restent stoïquement presque jusqu’au dernier moment pour s’échapper dans les prairies en contrebas.

quelques moutons sur la route…

Ici c’est une zone agricole avec les vastes pâtures arrosées par la rivière ainsi que des élevages de chevaux islandais, race particulière avec ses cinq allures de marche et leur silhouette caractéristique auquel les islandais sont farouchement attachés.
Dans un champ, des dizaines de chevaux paissent et malgré les barbelés, s’éloignent doucement quant on s’approche, ils gardent leur caractère sauvage et méfiant !

Chevaux islandais dans la vallée

Dans un paysage de vallée glaciaire encaissée, des pâturages, des fermes et au milieu coule une rivière…
De belles linaigrettes blanches et vaporeuses poussent dans les zones humides, qui ne manquent pas parmi les paysages que traverse la route.

Linaigrettes blanches et vaporeuses

Un petit bois de bouleaux nains et de saules boréals, aux troncs maigres et tortueux a poussé ici, comme incongru. En effet, les arbres et à plus forte raisons les forêts, sont rares en Islande car ils ont été quasi exterminés par les premiers habitants de l’ile et leur croissance est lente. Néanmoins des tentatives de reboisement variées sont en cours dans diverses régions.
Vous connaissez le proverbe islandais :

« Si tu es perdu dans la forêt ? Lève-toi ! »

Un petit bois de bouleaux nains et de saules boréals

Toujours des moutons sur la route, une brebis et son agneau qui tète à grands coups de tête, moutons blancs, moutons noirs, ou panachés il y en a de toutes sortes, bloqués par les barrières à bétail sur les routes, zones faites de barres métalliques rondes espacées au sol pour les empêcher de migrer d’une zone à l’autre.

Un petit pont franchit enfin la rivière Skjálfandafljót puis la piste commence à grimper, les panneaux informatifs, comme à chaque entrée de piste, font leur apparition : la F26 n’est pas loin ! En rien de temps on arrive sur un plateau avec le classique parking-toilettes : la cascade d’Aldeyjarfoss n’est pas loin !

Aldeyjarfoss

En effet on l’entend d’ici et il faut descendre un sentier tortueux pour arriver aux chutes ; en chemin, de belles échappées sur le cours encaissé de la Skjálfandafljót avec des rapides écumeux dans l’eau gris acier face à une falaise noire.

Le cours encaissé de la Skjálfandafljót

On y est : haute d’une vingtaine de mètres, la chute jaillit d’une gorge depuis un plateau pour s’épancher dans un vaste bassin entouré de colonnes d’orgues basaltiques  sombres qui contrastent d’autant mieux avec l’écume blanche de la chute.

La chute d’ Aldeyjarfoss

Comme prédit par nos hôtes de Laugar, elle est magnifique et bien moins fréquentée qu’en aval à Godafoss, à tort car le spectacle est plus impressionnant et plus tumultueux qu’à Godafoss ; si vous passez par là, vous savez ce qui vous reste à faire !

Aldeyjarfoss au ralenti

Les rangs d’orgues basaltiques sont tantôt réguliers et verticaux, tantôt en gerbes arrondies ou désordonnées, preuve de l’activité intense qui a dû avoir lieu lors de l’éruption, des couches successives s’empilent même comme des voutes.

La piste F26 ou Sprengisandur

La piste F26, appelée aussi Sprengisandur par les locaux, est l’autre piste traversant l’île dans le sens nord-sud, mais les islandais préféraient la Kjöllur, (que nous avons emprunté le 1er jour), car la Sprengisandur jouissait d’une mauvaise réputation. Mauvaise réputation due aux elfes, trolls et fantômes des légendes, mais surtout aux hors la loi réfugiés ici à cause de l’isolement. C’est aussi le manque de pâtures pour les chevaux lors des haltes qui a donné le nom de Sprengisandur, « étendues de sable épuisante ».

Le pont marque le début de la piste qui débute dans un paysage de sables foncés, avec des touffes de végétation éparses de plus en plus rares, une autre cascade, Hradnabjargsfoss, se situe un peu plus loin.
La piste monte toujours, curieusement en suivant la ligne de crête reliant touts les points hauts, les uns après les autres.
Depuis la cascade, nous avons monté en quelques kilomètres de 300m d’altitude, et dès qu’on approche les 600-700m, la brume est présente pour se transformer en pluie, voir en grésil et neige fondue au gré de l’altitude !

Brume qui laisse parfois entrevoir à perte de vue des paysages désertiques et moutonnés de rochers et cailloux, semblables à l’Odadahraun près d’Askja, qu’on a parcouru les jours précédents. 
La conduite est difficile, non pas par l’état de la route, mais à cause de la visibilité réduite par endroits, tout en croisant aussi de drôles d’engins, comme ce camion de raid orange venu d’Allemagne.

Rencontre sur la F26

Toujours et encore des étendues de cailloux, la végétation se raréfie, seule touche de couleur, les poteaux jaunes qui balisent le bord de la piste comme partout ici. Cailloux de tailles variées, du gravillon au roc, en passant par des tailles comme un noix, une pêche ou noix de coco, voir énormes parfois !

Cailloux de toutes tailles…

La végétation devient rampante, azalées ou thym arctique, comme pour mieux se protéger du froid hivernal.
Toujours circulant sur les cimes, ce qui devrait garantir une belle vue en temps normal, ne dévoile que la désolation proche, agrémentée de plaques de neige dans les contrebas ; enfin un gué se présente, plutôt une grande flaque provenant de la fonte de neige plus loin.

Paysage lunaire ou martien, où la route se déroule jusqu’à l’horizon proche, quelques grosses super jeeps nous croisent de temps à autre ; il parait que c’est la piste d’Islande la plus fréquentée, mais ça reste somme toute assez calme ce jour…

Une petite touche de couleur avec des variations dans les laves qui rougissent par ici, ou l’approche d’un cours d’eau qui apporte avec lui un peu d’herbe et de mousse bien verte presque fluorescente sur ses bords.
Un carrefour se présente avec la F881 vers Laugafell, puis une série de petits gués qu’on franchit négligemment…

Mousse presque fluorescente

Une autre rencontre toute aussi originale qu’inattendue : un marcheur qui tire son barda derrière lui sur une remorque mono-roue, plus loin, deux autres marcheurs avancent ici au milieu de nulle part  dans cet environnement hostile : chapeau bas !
Nous sommes à peu près à 50km de la dernière ferme ; quant à la prochaine halte, qui sait ?

« Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu… » chantait Jacques Brel, ici c’est un lac qui semble perdu au bord de la piste, l’eau ne doit pas être plus chaude que quelques degrés…Le ciel est comme une chape de plomb qui par moments se soulève pour nous dévoiler une chaine de montagnes blanches à l’horizon qui semble inaccessible.

Plafond bas sur la piste

Encore un étang au milieu de la piste, le passage est balisé entre des poteaux jaunes et rouges, c’est un gué original avant le croisement de la piste F752 qui rejoint la région de Skagafjördur, en passant par le refuge de Laugafell et sa source chaude.
Un panneau annonce encore 125km jusqu’à Hrauneyjar, nous avons fait la moitié du trajet en 4h y compris les arrêts photos ! A présent un vaste lac s’étire, c’est le lac de Flordungsvatn en arc de cercle qu’on longe.

Le lac de Flordungsvatn

Puis à nouveau un gué large d’une vingtaine de mètres, il y a des couloirs balisés pour bus et voiture ! Quelle organisation… Une jeep se présente en face, on attend pour voir : peu profond, ce doit être les eaux de fonte du proche glacier de Tungnafellsjökull, j’essaie de traverser à pied sur des cailloux pour prendre des photos de l’autre côté mais impossible, ça sera de l’intérieur du Land Rover !

Gué balisé : du grand luxe !

La route continue dans la sombre perspective du désert de lave, sous le manteau nuageux gris qui se lève et dévoile une bande de montagnes zébrées de neige éclatante ; quel contraste !

De plus, une zone entièrement immaculée à droite ne laisse aucun doute : c’est un glacier, le Höfsjökull à quelques kilomètres de distance à peine, séparé par une interminable plaine pierreuse. De l’autre côté se situe son homologue, le Vatnajökull et le Bardarbunga de plus de 2000m qui a fait parler de lui lors de l’éruption en début d’année lorsqu’une faille s’y est ouverte pour vomir lave et gaz.

Le ciel est tellement bas qu’on dirait que la masse nuageuse va s’écrouler sous peu…Toujours de l’avant vers cette fenêtre étroite sur l’horizon, en doublant à présent un rando-cycliste et croisant le bus « spécial piste » qui assure la liaison jusqu’à Myvatn.

Le ciel va nous tomber sur la tête ?

Rencontres de 3 types :

Au long de la route désertique et désertée , on croise néanmoins de drôles de rencontres : soit des véhicules dignes du Paris-Dakkar, poids lourds suréquipés ou SUV améliorés qui viennent pour se mesurer à l’Islande (et si je pouvais mettre un plus grand “I” à Islande…). Ou de simples individus, un marcheur avec tout son paquetage sur le dos et emmitouflé dans son K-way qui avance dans la brume au rythme de ses bâtons de marche….Ou encore celui qui tire son barda derrière lui sur une remorque à une roue.

Marcheur solitaire

Ils méritent le respect : on est ici à des dizaines de kilomètres de la dernière habitation, la piste est loin d’être plane, on grimpe parfois à plus de 700m avec de la neige fondue ; et il y a les gués à traverser a pied !
Je repense à H. Guillaumet, pionnier de l’aéropostale, qui disait à St Exupéry venu le secourir : “Ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait fait.”. Ici il n’y a même pas de bêtes…

Nyidalur, la « nouvelle vallée »

Juste avant le refuge de Nyidalur, c’est le croisement avec la F910 qui vient de l’Askja, notre refuge de l’avant-veille ; piste très dure et éprouvante réservée aux super jeeps et fortement déconseillée voire interdite aux 4×4 classiques. Sur certains tronçons la moyenne est de 10km/h, on dit qu’il faut 10 heures pour parcourir les 100km ! Pour nous la question ne s’est pas posée…

Enfin voici le gué tant redouté de Nyidalur ; annoncé comme le plus risqué du parcours, il est recommandé de partir tôt pour le franchir avant que le soleil n’ait trop provoqué de fonte dans les glaciers. En fait, aujourd’hui on ne risque pas de coup de soleil et c’est à peine un ruisselet, un des plus petits qu’on ait vu…On l’a échappé belle !

Les gués, c’est gai !

Les super jeeps des services de secours qui patrouillent là semblent disproportionnées par rapport à la difficulté mais ils sont bien équipés en Islande ; le bus et le SUV devant nous passent sans ralentir ; de l’autre côté attendent un 4×4 et une fourgonnette tirant une remorque, un bouchon sur la piste, un comble !

Gué de Nyidalur, les secours veillent !

Et voici Nyidalur, l’oasis dans le désert de la Sprengisandur, sans les palmiers et le soleil ! Un refuge en bois, quelques bâtiments et pas mal de monde : entre bus et 4×4, il y en a bien une douzaine de véhicules arrivés à ce bout du monde.

Le refuge de Nyidalur

Cette vallée sépare le sud du nord de l’île, but de promenades à faire ou l’ascension du proche sommet. Le refuge comporte un dortoir, chambres et toilettes dans une joyeuse agitation. Au pied du massif de Tungnajell et de son glacier, les pentes sont couvertes de neige ici aussi et l’air est comment dire…vivifiant !

Montagnes zébrées de neige

On ne s’attarde donc pas car il reste pas mal de route à parcourir et notre moyenne n’est pas élevée, non pas qu’on veuille battre des records, mais il y a encore des occasions de visite prévues pour la journée.  A franchir encore plusieurs petits gués de fonte de neige aux alentours, balisés par des piquets pour les plus larges, mais peu profonds.

Le paysage est identique au tronçon nord de la piste, sombre, caillouteux et infini : on n’a aucune idée des distances, sans repères et certains objets semblent ne jamais se rapprocher, comme dans les déserts sahariens (sans les mirages toutefois), et pourtant on avance !

Infinité désertique au long de la F26

Enfin un peu de spectacle qui se présente avec les langues glaciaires du Höfsjökull qui débordent des monts sur la droite, une très large au centre d’une dizaine de km de largeur, encadrée par deux petites sur les côtés, comme une armée blanche prête à déferler sur la plaine.

Quelques voitures, minibus surélevés qu’on croise çà et là au long de la route qui se poursuit imperturbablement dans l’immensité plate et morne avec les gués, flaques et plaques de neige qui viennent rompre la monotonie du trajet.

On the road again…

Quelques montagnes pointent à l’est tandis que le plafond nuageux remonte, donnant une meilleure visibilité sur la plaine de la Thjorsa qui nous sépare du glacier et des ses avancées, la masse de glace est imposante, même à des kilomètres de distance.
Enfin le sud, c’est bon signe ! En effet la Thjorsa est le plus grand cours d’eau d’Islande, fleuve se jetant sur la côte sud dans l’océan Atlantique.

Les langues glaciaires du Höfsjökull

La piste redescend en direction de la plaine mais remonte aussitôt comme à l’accoutumée droit vers un sommet pointu pour replonger vers un gué sur une rivière, aux berges couvertes de végétation fluo qui profite de la courte saison d’été.

Les lacs

A droite, un grand lac aux eaux bleu émeraude, c’est le Kvsilavatn qui s’étire en une série de bassins, tandis qu’un chapelet de volcans coniques se dresse vers l’est ;  ici émerge un ensemble de bâtiments métalliques incongrus en plein désert, peut être des scientifiques.

Enfin un pont enjambe une rivière large et puissante, c’est l’eau provenant du lac Kvsilavatn, et la route s’élargit sur une portion plus carrossable, jalonnée par les traditionnels piquets jaunes entre des buttes dénudées, puis émerge un autre immense lac vert émeraude, c’est le Thorisvatn.
(Vous rappelez-vous que “vatn” siginifie “eau” en islandais ? )

Enfin la civilisation réapparait sous les traits d’une ligne électrique haute tension courant sur une série de pylônes jusqu’à l’horizon et autre signe civilisé, nous roulons sur une route goudronnée avec une ligne blanche ; quel luxe !

Retour à la civilisation…

Après le carrefour avec la route du Fjallabak vers les lacs du Veidivötn, la piste F26 reprend le grade de route 26, nous apprécions le confort du ruban asphalté et son tracé amorti, par rapport aux secousses, lacets, roulis et tangage de la piste.

Halte à Hrauneyjar

La route passe à proximité de la centrale hydro-électrique de Hrauneyjafoss, par un pont au dessus des eaux de rejet de son exutoire, et immédiatement après c’est Hrauneyjar, notre but, enfin !
Hôtel, gite et guesthouse, complexe style « saloon de la dernière chance » du Far West, tel est cet endroit, dernier point de ravitaillement avant le nord ou pour l’exploration du Landmannalaugar tout proche.

Hrauneyjar

Nous y sommes déjà venus en plein hiver et ça avait alors l’air d’une station polaire arctique, avec ses bâtiments bas, la neige accumulée en congères contre ses parois et…sa solitude !  C’est ce qui a un peu motivé notre choix avec son emplacement central dans la région.

Pour l’exploration ce sera demain, pour l’instant installation ici pour deux jours, ça fera du bien de se poser un peu après la plus longue étape du périple, qui plus est sur une des pistes les plus éprouvantes et par mauvais temps, LA Sprengisandur.
Mais comme on veut profiter de la fin de la longue journée d’été, on va faire un tour à la ferme chez les Vikings…

La ferme viking de Stong

Un site d’établissement des Vikings qui a dû être occupé jusque vers 1300, a été retrouvé dans cette vallée, au pied du volcan Hekla.
Celui-ci a est entré en éruption en l’an 1104, dévastant une vingtaine de sites vikings, huit ont été fouillés mais un seul est hors sol, exhumé des cendres du volcan voisin aux éruptions quasi régulières mais sans prémices.

Une ferme médiévale, la ferme viking de Stong, a été reconstituée et reconstruite à l’identique plus bas dans la vallée au bord de la route comme une réplique de celle-ci.
Ici on retrouve les fondations en pierre avec de la tourbe et un toit en bois reconstitué, avec des vestiges d’une étable, d’une forge et église.

A partir de Hrauneyjar, on descend la route 26, puis la 32 et au pied d’une grande descente en lacets on découvre un magnifique panorama sur la vallée de Thjorsadlur avec un vrai décor extra-planétaire de cratères dispersés dans la plaine.

La vallée de Thjorsadlur
Décor extra-planétaire de cratères

Là se trouve la reconstitution de la ferme viking de Stöng, l’original se trouve à gauche, au bout d’une piste en terre de 5km ; c’est là que nous allons…

Du parking, un petit pont franchit un ruisseau et on trouve un bâtiment principal enterré et allongé, avec une petite porte latérale qui ouvre sur un vaste intérieur de 15m sur 5m de large environ. Des murs en pierre recouverts de plaques de tourbe avec un foyer central entre des dalles de pierre. Le pourtour consiste en des banquettes recouvertes de tourbe ; les vikings avaient déjà découvert ses propriétés isolantes !

Des banquettes recouvertes de tourbe

Deux petits appentis, une réserve et des toilettes, déjà…La toiture de protection en bois a été bien sûr reconstruite car détruite par l’éruption. L’ensemble est très grand vu de l’intérieur, comme il est enterré, l’extérieur ne paie pas de mine.

L’intérieur de la ferme viking de Stong

L’oasis dans le désert : Gjain

De là, une piste caillouteuse atteind un plateau pour rejoindre la véritable oasis de verdure et de cascades qu’est le canyon de Gjain, inattendu au milieu d’un paysage de laves austères.
Un sentier descend dans le canyon creusé par les cours d’eau ; plusieurs pontets et sentes aménagés permettent de s’y promener entre grottes, ruisseaux et cascades.
Mais pas de palmiers ici…

L’oasis dans le désert : Gjain

 Beaucoup de verdure qui contraste avec les alentours arides :  saules nains, fleurs, angéliques, dans un décor d’orgues basaltiques figées, l’eau est partout sous nos pieds…
Le clou du spectacle étant les cascades au fond du cirque qui s’écoulent non pas à la verticale mais pour une fois, dévalent le long de pentes inclinées.

Cascades de Gjain

Des cavernes noires béantes hors des tours de lave sombre semblent abriter tous les personnages de la mythologie islandaise et on ne serait pas étonné d’en voir sortir elfes et trolls à la nuit tombée…
Il y a des vestiges de murets à l’entrée, elles ont dû servir de parcage pour les moutons autrefois.

Des cavernes noires béantes

Retour en sens inverse à notre base de Hrauneyjar par la vallée de Thjorsadlur qui abrite Stông et son vaste paysage de monticules à l’aspect lunaire.

La fin d’une longue journée : probablement l’étape la plus longue de notre périple à travers l’Islande avec cette traversée nord-sud par une piste redoutée mais riche de découvertes en lieux insolites, paysages et rencontres.

L’itinéraire du jour de Laugar à Hrauneyjar

Au programme demain : la région géothermique du Landmannalaugar !

Un autre monde : neige sur Mars…en juillet.

Réveil au refuge :

Petit matin au refuge de Dreki, à Askja en plein centre de l’Islande, en cette fin juillet.
Pas dérangés par les voisins aux alentours et pour cause : pas âme qui vive à des dizaines de kilomètres à la ronde… quoique hier, un bus haut sur roues est arrivé et une dizaine de tentes vertes type igloo se sont montées près de notre bâtiment ; il semble que ce sont des élèves guides en stage. Ils ont couché à la dure, sur le sol et sous la tente !
Nous on profite de notre minuscule chambre à l’abri dans le refuge… et encore prévue pour 6 personnes, mais heureusement pour nous, les deux dernières ne se sont pas présentées !

Mini chambre au refuge du Drekki

Petit coup d’œil par le rideau qui occulte la fenêtre ; surprise : une fine pellicule blanche de neige recouvre le sol et le toit avoisinant ! Il a neigé dans la nuit à 700m d’altitude ici sur le Drekki en cette fin de juillet, et pour aller au bâtiment voisin des toilettes il faudrait passer dehors à pas loin de 0°C. Heureusement on en a découvert dans le bâtiment, et s’il n’y fait pas chaud, on y reste d’autant moins longtemps…
Le temps de déjeuner et de remballer nos affaires, le refuge s’est complètement vidé ; le poêle ronronne avec sa marmite d’eau chaude dessus.

La salle commune du refuge.

Pendant le déjeuner, un garde du parc est venu parler avec nous et demander où nous allions, il nous a conseillé pour aller voir la gorge de Drekagil et surtout il nous a informé qu’un gué vers l’Herdubreid était très haut ; comme on comptait passer là pour le retour, il nous conseille d’aller nous rendre compte sur place, on peut randonner et voir par nous-mêmes si c’est passable.

On se prépare à affronter le froid et on commence par charger nos bagages dans la Land Rover, puis direction vers la gorge de Drekagil « la gorge du dragon » juste derrière le chalet, d’où s’échappe un petit torrent qui passe derrière les bâtiments du refuge.

Drekagill, la gorge du dragon.

Dans la gorge du dragon :

Le sentier part sur la droite avec la canalisation de prise d’eau pour le chalet, et remonte le long de la gorge aux parois de lave noire parsemé au fond de pierre ponce jaune, et de neige sur les dessus…
Est-ce utile de préciser que l’eau est glacée ?

Le torrent qui alimente le refuge.

Des formes fantastiques de lave sur les dessus ont dû faire fantasmer les premiers explorateurs pour lui attribuer ce nom de « gorge du dragon ».

Partout des laves noires déchiquetées, quelques fois comme des gargouilles, on monte et descend au gré des rochers sur le bord, un passage dans un névé de neige, puis la cascade apparait au fond de la gorge.

Elle tombe en hauteur dans un bassin au milieu de la neige et des rochers avec quelques traces de mousse verte. Des variations de couleur de la lave entre noir, gris et rouge enlèvent un peu de sévérité à l’endroit.

Au fond de la gorge : la cascade.

Retour vers le refuge toujours sous les formations de laves : tours, trouées, pitons qu’on n’a pas vus à l’aller. Cela donne vraiment l’impression de mottes projetées et solidifiées telles qu’elles.

Le torrent court au fond de la gorge, quelques fois sous d’épaisses plaques de neige, tantôt on le surplombe tantôt on passe juste à côté par le sentier qui nous ramène au refuge.

Tous les véhicules sont partis, il ne reste que notre Land Rover et celui des gardes du parc de Vatnajökull lorsqu’on embarque pour la prochaine halte : le refuge de Kverkfjöll, en bordure du glacier.

Retour au refuge.

Kverkfjöll « les montagnes de la gorge »

Depuis le refuge du Dreki, notre but est d’aller plus au sud vers le glacier du Vatnajökull ; ça nous semble bizarre d’aller au sud pour trouver un glacier mais c’est un des paradoxes de l’Islande, mais pas plus que la neige à 700m d’altitude ce matin de Juillet…
Nous tentons d’abord d’aller jusqu’ à L’Herdubreid, « la reine des montagnes » comme elle est surnommée, malgré le mauvais temps, mais nous avons décidé de ne pas tenter la chance avec un passage de gué risqué comme nous en avons discuté avec un des rangers du parc.

La route file au nord sur l’autre rive de la Jökulsa, parfois dans un tapis de ponces ocre au pied de monts noirs perdus dans les nuages, parfois entres champs de lave bombés, arides et sablonneux de cendres.

Et même sans personne à la ronde à des kilomètres, on fait des rencontres inattendues comme ce bus au passage d’un dos d’âne ; heureusement qu’on faisait une halte photo ! Mais tout se passe toujours bien sur les pistes en Islande : croisement, manœuvres, passages de gué, il y a toujours de la compréhension et de l’entraide.

Passage de bus…

Par endroits on vient flirter tantôt avec le pied de montagnes balafrées de ponces et de neige, ou le cours de la Jökulsa, calme ici par contraste avec son cours en aval.
Finalement on renonce à atteindre le refuge de l’Herdubreid : le plafond de nuages bas qui entoure le mont éponyme et de la neige sur ses flancs ne sont guère encourageants, on n’aurait pas vu grand-chose !

Plafond bas !

Descente plein sud vers le glacier, par la même route qu’hier, piste zigzaguant entre les montagnes tabulaires, décor ocre, gris toujours très minéral.

Piste dans le désert

Passage du pont sur la Jökulsa tumultueuse, puis à présent dans une plaine noire et sableuse aux formes adoucies. Quelques collines noires aux traces vertes de mousses semblent se teinter de rouge par endroits.

Le fleuve Jökulsa plus modeste qu”en aval…

La route continue immuable dans les sables parsemés de rocs éparpillés, curieusement, sur le sol il semble que les graviers et cailloux sont incrustés dans le sable pour former un revêtement style « granito » ; résultat de l’action des glaciers ou érosion ?

Granito islandais.

Panorama sur l’Oddarhaun : (cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Subitement la route qui ondulait jusqu’à présent entre les rochers vient se heurter à ce qui semble être une muraille de plusieurs mètres de hauteur : une immense coulée de lave de couleur foncée qui se détache sur la grisaille des rochers ambiants.

une coulée de lave barre la route ?

La route se fraye un passage à grands coups de lacets, montagnes russes pour un passage optimum entre les monticules de laves sombres et déchiquetés dans cet environnement dantesque.

Peu de végétation dans ce désert.

La route continue « au-delà du Mur » comme dans Game of Thrones, sauf qu’il ne s’agit pas d’un mur de glace – ou pas encore – mais de laves ; et sans sauvageons… Quant aux spectres, la mythologie islandaise s’en charge, les silhouettes fantasmagoriques du paysage n’y sont pas pour rien !

Paysage aux silhouettes fantasmagoriques.

La piste passe par des vallées lugubres où l’on penserait être les premiers explorateurs, si ce n’étaient les autres traces de pneus qui marquent le sol. Au loin, des montagnes fantomatiques émergent de la brume, plan après plan.

Un carrefour, des panneaux : Kverkfjöll 17 km ; décidément ça se mérite et on n’y vient par hasard ou sur un coup de tête…

Route vers Kverkfjöll .

(Land) Rover sur Mars :

Le spectacle de la route vaut à lui seul le déplacement : nous roulons à présent sur une piste rouge carmin, faite de scories rouges entre les rochers de lave noire avec un dégradé de monts gris enneigés se perdant dans la brume en arrière fond. Spectacle garanti !

Piste de scories rouges.
En rouge et blanc…

Un dôme de scories présente lui aussi des variations de teinte dans les rouges, il est peut-être à l’origine de ces scories rouges, une tache rouge vers le sommet et des rayons qui s’en éloignent d’un côté.

Enfin la piste rouge brique surplombe une immense plaine étendue limitée par une barrière blanche à l’horizon : le glacier Vatnajökull.

Au fond : le glacier Vatnajökull.

Kverkfjöll

C’est en fait un massif volcanique sous-glaciaire, encore actif dû à la présence de magma à proximité sous la surface. Sa température provoque des rivières d’eau chaude sous la glace qui s’écoulent dans cette région en créant des grottes, qu’il ne faut pas explorer en été sauf à être accompagné par des rangers du camp, car il y a déjà eu des accidents mortels.
Un des plus hauts volcans culminant à 1860m s’y trouve dans une caldéra de plusieurs dizaines de kilomètres sous la glace.

La piste plonge et on la voit se dérouler jusqu’à deux baraquements : le refuge de Sigurðarskáli.

Le refuge de Sigurðarskáli.

A notre arrivée nous sommes le seul véhicule sur le vaste parking, le site se compose d’un bâtiment principal, d’un autre pour les toilettes –qu’on investit- et d’une zone de camping, le tout dans un peu de verdure qui s’accroche farouchement…

La petite maison sur la prairie.

Renseignement pris auprès de la ranger présente, il faut encore une vingtaine de minutes en voiture jusqu’au glacier et la vue n’est pas fameuse aujourd’hui. Et la température ambiante est de 4°C ! Après une courte halte photo on rebrousse chemin et on rembobine le film de l’aller à l’envers…
Piste rouge, collines veinées sous la pluie fine à présent, montagnes pyramidales solitaires émergeant de la rocaille dans la brume, telles des mésas du Colorado.

Le sol est grêlé des scories rouges sur le fond noir de cendres sablonneuses, qui disparaissent peu après pour laisser place à une grisaille uniforme jusqu’au mur de lave qu’on contourne à l’envers.

Traversée à travers des cendres noires en slalomant car la piste évite les plus gros blocs de lave difforme, comme des icebergs pétrifiés dans une mer de sable. La piste trace son chemin dans des paysages époustouflants tantôt colorés à outrance par les scories rouges…

Paysage tantôt martien…

…tantôt à travers des déclinaisons de gris et noir, pas besoin de « pellicule » couleur, la piste ondule entre des monticules lunaires et des montagnes fantomatiques qui émergent de la brume.

Paysage tantôt lunaire….

On retrouve la piste F910 de l’aller à proximité du pont sur la Jökulsa, puis on remonte vers le nord pour rejoindre la civilisation avec la RN1.

Un autre type paysage à présent, des laves arrondies, cordées et non plus déchiquetées, dans un cadre de pierre ponce ocre, on avait presque perdu l’habitude de la couleur.

Pont sur les rivières, bouquets d’orgues basaltiques on retrouve tout sous un autre angle de vue et un autre éclairage. Les gués ne sont plus qu’une formalité depuis le brevet « passe-gué ».

Passage de gué : facile !

Le temps s’est levé est la visibilité s’agrandit, on entrevoit même des « doubles » montagnes solitaires, c’est dire !

Un peu de circulation, nous n’avons quasiment croisé personne sur la piste depuis le refuge de Kverkfjöll, un 4×4, un bus, avec les presque rituels passage de gué qui ponctuent la remontée.

C’est au travers d’espaces infinis et désertiques de cette étendue sauvage, ponctués de pierres et de rocher qu’on remonte quasiment en droite ligne vers le nord pour rejoindre notre circuit.

En ligne droite !

Retour à la civilisation sur la RN1 et aux couleurs, qui passe par des monts chatoyants et couverts de verdure, qui donnent un effet pastel au paysage. On en avait presque perdu l’habitude !

Le pont suspendu sur la Jökulsa se présente, au passage le fleuve a forci et gagné du volume avec ses affluents et les récentes pluies…et neige.

Le cratère de Hrossaborg

Arrivée au cratère de Hrossaborg.

Prochaine halte : le cratère de Hrossaborg, ou « château des chevaux », car on y rassemblait auparavant les chevaux à l’automne. C’est un immense amphithéâtre quasi circulaire, né d’une explosion il y a 10 000 ans entre une montée de magma et le fleuve tout proche. Cratère de scories et téphras pratiquement circulaire, de 500m de diamètre il impressionne par ses dimensions et sa régularité et par le fait qu’on peut y pénétrer !

Panorama dans le cratère Hossaborg
(cliquer sur l’image ci-dessous)

Panorama dans le cratère Hossaborg (cliquer sur l’image)

C’est en effet un cratère égueulé mais qui a été comblé par les débordements de l’omniprésente Jökulsa et qui a servi de lieu de tournage au film Oblivion, avec Tom Cruise (l’endroit est censé être un ancien stade de football américain détruit par des extra-terrestres, où il répare un drone…), un très bon film de SF pour moi ! Et ce qui ne gâte rien, avec une très belle musique du groupe français M83 .
( A écouter ici : https://www.youtube.com/watch?v=05GPiKPylHY)

Regardez cet extrait d’Oblivion tourné dans le cratère jusqu’à 3:30 :
https://www.youtube.com/watch?v=B39L_tu0PjE
Ça ne vous rappelle rien ?

L’ampleur et la solitude du lieu impressionnent (comme dans le film d’ailleurs), d’autant plus que nous sommes seuls ; pas même un chien abandonné comme dans le film…le cratère est à un jet de pierre de la RN1, mais il est apparemment peu connu.

Par contre, il y a toujours du monde plus loin à Namaskard, sur le site de Namafjall pour admirer ses couleurs cristalisées, ses vasques de boue bouillonnante et ses fumerolles perpétuelles . La vue sur le lac Myvatn se dévoile d’un côté et « l’usine qui pue » – comme on l’a surnommée- et son lac azuréen de l’autre.

Couleurs et odeurs…

Demain, une grosse étape nous attend, et même LA grosse étape : la piste Sprengisandur ou F26 qui relie le nord de l’Islande depuis Godafoss, jusqu’au sud à Hrauneyjar près du Landmannalaugar, en passant entre deux glaciers sur 250km. Il est indispensable de refaire le plein, et de la voiture et de vivres pour plusieurs jours, car on ne trouvera rien pendant plus de 2 jours !

Les moutons c.. au milieu de la piste !

Toujours des moutons c.. au milieu de la piste ! Ils sont en liberté du printemps jusqu’à l’automne, où a lieu le rassemblement pour les trier par propriétaire, dans des grands enclos ronds qu’on rencontre souvent sur la côte sud de l’île.
Au fait pourquoi restent-ils au milieu de la piste alors qu’il ne manque pas de place ailleurs ? C’est en fait dû au sel répandu sur la neige en hiver qui s’accumule dans les creux et flaques d’eau, et dont les ovins sont friands, a-t-on appris plus tard…

Etape à Laugar :

Halte à la capitale locale, à la supérette bien fournie, et c’est rassurés qu’on va terminer notre périple du jour à Laugar près de Godafoss en passant devant des serres illuminées, chauffées par géothermie, qui produisent des légumes dont les islandais sont très fiers, et qu’ils exportent même. Et même des bananes !

Serres chauffées par géothermie.

Nous arrivons tard, mais la maitresse de maison accepte aimablement de nous cuisiner rapidement des truites au four, énormes et délicieuses, et une salade avec de la truite fumée par son grand-père, tendre comme du beurre ! Un repas et un accueil mémorable…

 Nous passons la soirée à parler avec les jeunes propriétaires, d’où nous venons, de l’Islande (saviez-vous qu’il y a à peu près 3 fois plus de moutons que d’islandais), de la météo actuelle (sujet universel…).
C’est le pire été depuis 1996 parait-il (on en avait comme un pressentiment…) de ce fait, des éleveurs ont dû aller dégager des moutons pris dans la neige jusqu’au cou.
Et on finit la soirée autour d’un whisky offert par son mari ; quelle réception ! Ça sera de loin notre meilleur B&B de tout le séjour…

Vue imprenable et reposante sur la région depuis les baies vitrées de la maison, au loin la RN1 et sa circulation (une voiture toutes les 10mn le soir…) pour un repos mérité dans une grande chambre de la maison. Demain petit déjeuner matinal demandé pour partir à 8h30 et affronter la piste Sprengisandurs, ses gués et ses surprises !

Un autre monde : jusqu’à la gorge du dragon

Départ vers Askja

Réveil à la guesthouse Grimstunga de Grimstadir, la neige d’hier soir n’a (heureusement) pas tenu ici ! Neuf habitants l’hiver dans le hameau qui voit sa population multipliée par 5 ou 6 l’été (!), enneigé huit mois sur douze…
L’endroit détient aussi le record de température la plus froide enregistrée par une station météo en Islande…Un proverbe islandais en disait :

« On pourrait presque y entendre les fantômes danser dans la neige… »

Petit déjeuner dans la pièce commune de l’habitation principale, puis départ pour le centre de l’Islande, au bord du Vatnajökull, le plus grand glacier de l’île et d’Europe.
Comme le plafond des nuages est bas, nous avons changé notre itinéraire initial qui était de descendre par la route F88 et voir le massif de l’Herdubreid et son refuge, pour emprunter la piste 901 sur l’autre rive de l’omniprésente Jökulsa à Fjöllum.

De Grimstadir à Dreki, le trajet du jour

Après avoir repris la RN1 , le carrefour qui marque le départ de la piste 901 est là :  une halte pour consulter les panneaux d’information, comme à chaque entrée de piste importante il y a des consignes à respecter pour les passages de gués, pour ne pas endommager l’environnement, la nature mettant des années à récupérer lorsqu’elle est endommagée à cause de la courte période estivale.

Nous allons affronter l’Odadahraun, toponyme signifiant « désert de lave des criminels », une étendue de 4500 km², le plus grand désert volcanique au monde composé de pierres, sable, falaises et laves, avec son pendant : peu de végétation et de faune.
Pas étonnant que les histoires anciennes regorgent de hor-la-loi s’y réfugiant quand on sait que son exploration date seulement du début du 19e siècle.
Malgré cela, on y trouve vers l’est des troupeaux de rennes, introduits en Islande au 18e, des oies sauvages et quelques plantes comme l’angélique dans les rares oasis préservées.

Les pistes de l’Odadarhaun

Möðrudalur

Départ sur la piste, celle-ci est pour l’instant sans problèmes, quelques kilomètres plus loin arrivée surprise à la ferme de Möðrudalur, la plus isolée d’Islande (décidément c’est le jour des superlatifs), composée de quelques bâtiments en bois, pompe à essence, café et une petite église : une vraie halte de village du Far West.

La ferme de Möðrudalur

Son caractère insolite en fait un but touristique, avec sa minuscule église pimpante et ses petits bâtiments typiques en bois aux murs de tourbe, accolés et couverts de gazon à l’ancienne ; un bus touristique est arrêté là ainsi que quelques voitures.

En piste !

En piste !

Dernier point de civilisation jusqu’au glacier Vatnajökull et la côte est, la route n’est plus goudronnée après et c’est une piste caillouteuse qui succède rapidement avec un avertissement de gués à franchir où les véhicules de tourisme sont interdits !

Passage de gués : c’est gai !

La cime enneigée de l’Herdubreid se dresse à droite vers l’ouest, saupoudrée de neige s’élevant au-dessus du désert de rocs marrons polis par l’érosion, montagne tabulaire de 1700m environ où s’ouvre un cratère au sommet.

L’Herdubreid

Un premier petit gué pour traverser une rivière : un coup d’œil à au fond de l’eau et au courant, passage en boite courte, 1ere-2e et ça passe sans efforts !

Au carrefour, direction Askja / Kverkfjöll à 61km de distance pour notre destination, apparemment pas très éloignée, mais on ne fera pas 60km/h de moyenne sur la piste qui n’est pas une autoroute sans compter les gués et bien sûr les haltes photos !

Traversée du désert

C’est une traversée du désert au sens propre, rien aux alentours, pas de végétation, pas même un mouton c’est dire en Islande !

Désert à perte de vue

Le temps se maintient à couvert sans pluie et la poudrée de neige tombée dans la nuit sur ces plateaux brille sous les quelques rayons de soleil.

Piste infinie

Quelques collines commencent à se dresser hors de la morne plaine caillouteuse et un gué plus important se présente ; nous descendons inspecter l’eau : peu de courant, peu profond. Un autre 4×4 Nissan s’arrête aussi. On y va doucement, ça passe et le 4×4 nous suit, de l’eau au-dessus du pare chocs, pendant qu’on attend au cas où, c’est la coutume et l’entraide sur les pistes islandaises…

Au gué suivant c’est l’inverse ils nous attendent et on ne s’arrête même plus, brevet « traversée de gué » obtenu ! Plus loin en s’arrêtant, on discute ensemble : c’est un couple hollando-irlandais qui va à l’Askja pour la journée, nous échangeons nos e-mails avec la promesse d’échanger les photos respectives des voitures… Merci Leon !

Land Rover dans le désert

Quelques touches mauves en touffes rondes, ce sont des silages aux minuscules fleurs, plantes résistantes au climat. Le désert de pierres gris-marron se teinte progressivement de taches ocre-clair au loin, comme d’une végétation rase, couleur qui devient de plus en plus insistante par endroits dans les creux.

Basalte et pierre ponce

Cette teinte jaune devient de plus en plus présente, par bandes, comme une végétation rase et sèche, finalement n’y tenant plus on s’arrête pour constater qu’il s’agit d’un revêtement minéral : c’est de la pierre ponce.


C’est une pierre extrêmement légère, gonflée de petites bulles de gaz, éjectée par les volcans lors d’une explosion ou des nuées ardentes. Moins dense que l’eau, elle peut flotter à sa surface, soufflée par le vent elle s’accumule dans les creux !

Finalement la pierre ponce recouvre le sol entièrement par zones, on trouve même des orgues basaltiques tordues, solidification régulière de coulées de laves cristallisées en piliers octogonaux, avec un sol de pierres ponces jaunes sur fond de montagnes noires du plus bel effet.

La piste se fraye un chemin à travers un paysage constellé de morceaux de rocs de toutes tailles qui témoignent de la violence des éruptions passées.

Désert de pierre

Magnifiques massifs en arrière fond saupoudrés de la neige de la veille, comme l’Herdubreid, surnommé « la reine des montagnes » en Islande, une plaine sombre veinée de pierres ponce jaune-ocre, le tout formant un paysage désertique mais coloré à sa manière.

La piste suit de loin le cours de la Jökulsa qui s’écoule depuis son bassin issu du glacier au sud vers son embouchure par les chutes de Dettifoss, vues la veille, jusqu’à la côte nord à Asbyrgi.  

Le cours de la Jökulsa

Un obstacle original se présente pour la franchir : un pont fermé d’une barrière ? C’est pour éviter que les moutons ne migrent d’une région à l’autre… Ici, le pont de Kreppatunga permet de franchir le cours impétueux de la rivière, en le refermant après passage comme recommandé !

Le pont de Kreppatung

On longe celle-ci plus ou moins pendant quelques kilomètres avec un sommet poudré de blanc en point de mire, le relief n’est plus aussi monotone, les signes de convulsions volcaniques se multiplient : plaques de laves ondulées, laves cordées et ondulées.

Une halte le long de la F903 pour ne pas être privés de désert…Des laves qui ont dû s’épancher de l’un des nombreux volcans qui nous entourent ; sable et rochers, cernés par les massifs montagneux couronnés de neige qui frôlent les nuages, certains frisent les 2000 mètres de hauteur.

C’est l’ Odadahraun qui nous entoure dans ce panorama à 360° (cliquez ici !)

Panorama sur l’ Odadahran (cliquer sur l’image pour le panorama)

Nouveau carrefour vers Kverkfjöll : Askja n’est plus qu’à 28km ; si je m’en réfère aux heures des photos, nous avons mis plus de 2h pour faire 56km… pauses photos comprises !

Et la moyenne va encore tomber quand on s’arrête à nouveau pour immortaliser quelques sommets saupoudrés, où la neige blanche surligne tous les reliefs en se logeant sur les crêtes de chaque ondulation, spectacle grandiose !

Encore un pont avec barrière, cette fois sur la Jökulsa ,bien modeste ici d’une dizaine de mètres de large et qui coule encaissée dans un canyon de basalte noir avec une petite cascade en amont ; rien à voir avec Dettifoss !

Le refuge de Drekagil

La pierre ponce adoucit toujours les teintes sombres des montagnes en recouvrant complètement la plaine par endroits pour une dernière ligne droite avant Askja.

Orage sur le désert de ponces

Façon de parler car la piste serpente entre les blocs de lave et les rochers pas toujours en ligne droite, à se demander s’ils n’étaient payés au mètre lors du tracé ou forcé sur le Brennivin, l’alcool local islandais.

Un mirage ? Un œil exercé distingue soudain au loin des baraquements dans les rochers au pied de la montagne qui barre à présent l’horizon droit devant nous. Magie d’une oasis dans le désert  ! Nous sommes enfin arrivés à Drekagil, « la gorge du dragon ».

Le refuge de Dreki (au centre de la photo approx.)

Quatre chalets en bois peints en vert et rouge, un terrain de camping, surmontés par le drapeau islandais, un bus et quelques 4×4, c’est le refuge de Dreki « le dragon » au cœur de l’Islande, au pied des montagnes saupoudrées, le dernier tronçon de piste est lui aussi blanc de neige.
Nous avons donc mis plus de quatre heures pour parcourir 126 km soit une moyenne de 30 km/h : sans commentaires !

Neige sur basalte

Après avoir contacté le gardien qui nous a indiqué notre chambrette, en principe six couchages dans 3m par 2,50m mais heureusement nous serons « seulement » quatre.
On pose les affaires et casse la croute à 16h dans la grande salle commune du refuge, car on n’a pas fait de ravitaillement depuis le petit déjeuner au départ de Grimstadir. Il y a un coin cuisine, un poêle où réchauffe une marmite d’eau toujours remplie, tel le tonneau des Danaïdes, provenant du torrent à côté : l’eau est potable partout en Islande !

La salle commune avec son poêle et sa marmite

Un petit tour : il y a un bâtiment à côté du refuge avec les toilettes et douches (oui il faut passer dehors…) et au premier étage un dortoir où des dizaines de couchages sont installés ; la « chausserie » habituelle à l’entrée qui demande de l’organisation pour les aller-retours à la voiture, une grande salle commune, et deux petites chambres dont la nôtre.

Le chalet d’hébergement

Expédition Oskjuvatn

Comme la journée n’est pas terminée et que le soleil ne se couche quasiment pas en cette saison sous ces latitudes, nous décidons de poursuivre en voiture vers le lac Oskjuvatn. Il se situe juste derrière les contreforts, c’est le plus vaste d’Islande et le plus profond, ainsi qu’un autre petit lac bleuté et chaud, Viti dit « l’enfer », ce nom vous rappelle quelque chose ?
Il faut dire que les noms de lieux en Islande sont souvent descriptifs, comme Hvita « rivière blanche », Viti « l’enfer », de ce fait on les retrouve souvent à différents endroits dans le pays. Ici, entre dragons et enfer, que des noms attirants…

Toujours dans ce décor sombre de montagnes de basalte noir veinées par la neige qui surligne tous les contours et dépressions sur les flancs, nous prenons la piste qui mène au lac Oskjuvatn avec le Land Rover.

Cratère égueulé

Quelques kilomètres c’est l’affaire de quelques minutes en 4×4 à priori, même si la piste progresse à présent entre deux murs de 1m de neige, elle est bien dégagée. Sauf que plus on avance, plus les murs de neige ont la fâcheuse tendance à augmenter…

Fin de la piste !

C’est un désert de lave et de neige à présent, les écueils de basalte noir émergent hors de la mer de neige blanche qui descend depuis le sommet des montagnes, pour finalement recouvrir l’ensemble du paysage.
Et brusquement plus de piste : il y a un parking dans la neige où se sont arrêtés quelques 4×4. Renseignement pris il faut continuer à pied pour atteindre notre but, 9km à pied aller-retour dans la neige, et il vaut mieux se couvrir nous dit-on, il y a des averses de neige et de grésil par moment.
Pour ceux qui auraient oublié : nous sommes toujours au mois de juillet…

Parés pour l’expédition

Les marcheurs blancs

On s’équipe donc avec bonnets, capuches et nos 3 ou 4 couches recommandées, bâtons de marche et sacs à dos et en avant en suivant plus ou moins la piste tracée par ceux qui nous ont précédés.
Peu après un petit panneau annonce 4.5 km jusqu’au lac ; la trace monte régulièrement au flanc de la montagne, la piste devient sentier, puis passe par une baisse entre deux hauteurs et bascule vers une immense plaine enneigée à perte de vue.  

Le but semble s’éloigner au fur et à mesure

Pas de lac encore en vue mais un alignement de piquets jaunes à perte de vue qui jalonnent le passage. Le but semble s’éloigner au fur et à mesure de notre avancée tant on manque de repères dans l’immensité blanche, quand on aperçoit des promeneurs qui nous ont précédés immobiles sur une crête ; c’est là !
Encore quelques centaines de mètres, dans la neige, on gravit une dernière côte et le lac est là dans son immensité…

Lac Oskjuvatn

Lac Oskjuvatn

C’est un long ovale de 4km de large pour 11km² de surface, il est profond de 220m, le 2e en taille derrière le lagon glaciaire de Jökulsarlon pour autant qu’on le considère comme un lac…
Il occupe la caldeira centrale du volcan Askja, le « chaudron » après l’effondrement de la chambre magmatique souterraine à la fin de l’éruption de 1875, d’où sa profondeur. Ce qui n’a pas empêché d’autres éruptions, la dernière datant de 1961.

Surprise ! L’étendue d’eau est entièrement prise par les glaces et recouverte de neige, mis à part quelques places sur les bords, le tout bordé par un écrin de montagnes blanches dont les sommets se perdent dans les nuages, superbe tableau en noir et blanc !

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Une fois nos yeux et appareils photos rassasiées du spectacle on se tourne vers le Viti,  autre petit lac de cratère mais bleuté de 60m de profondeur. Il n’est pas gelé lui et pour cause : sa température est de 22° et il fume même en émettant des bruits dus aux sources qui s’y déversent.
On peut même s’y baigner mais ce jour, pas d’amateurs…

L’enfer bleuté

Retour par le même parcours, à travers la plaine immense suivant les piquets, nous ne sommes pas les derniers mais il ne reste plus beaucoup de monde si ce n’est un petit oiseau à la collerette comme un cache-nez, cherchant pitance….

Oiseau des neiges

Un coup de soleil illumine un temps les sommets voisins pendant notre cheminement, un mont immense éclairé à l’horizon se perd dans les nuages.

Une fois le col franchi, un plafond bas de nuages sombres s’est abaissé, on croit même y voir des éclairs. La plaine de lave déchiquetée aux fantastiques formes noires et tourmentées est traversée, tant mieux il ne vaut peut-être mieux pas se trouver ici à la nuit…

Retour sous le ciel chargé

Retour au refuge, non pas à la nuit noire car il n’y a pas plus de nuit noire l’été que de volets en Islande…
Nous prenons notre repas dans la salle commune avec tous les autres randonneurs rassemblés, ainsi que les petites tâches journalières, copie des photos, plans pour le lendemain.
Des camions 4×4 sont arrivés et des tentes ont été montées dehors devant le chalet ; on ne les envie pas…
Demain nous irons explorer Drekagil, la « gorge du dragon », rouler jusqu’à Kverkflöll, un autre refuge à la bordure du glacier et retour sur Myvatn.