Un autre monde : cercle polaire

Même temps qu’hier, même chemin qu’hier…
Il n’y a pas grand choix de routes en Islande, et encore moins le choix du temps malheureusement.
Il faut juste attendre, suivant l’adage islandais : « si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, attends 10 minutes », voire même comme Vivaldi jouer les quatre saisons en une journée…

Bonne route…


Et on passe le temps en roulant vers notre destination : l’extrême pointe de l’ile au Nord, vers l’océan glacial arctique, juste sous le cercle polaire arctique, le fameux « 66° nord ». Rien que l’évocation de ces trois noms font baisser la température : +2°C au panneau à la sortie de Myvatn (oui, il y a bien un « + ») et nous sommes bien toujours en été…

Reykjalid, la bourgade locale

Route le long du lac, par Reykjalid, la bourgade locale et son animation, puis Namaskard avec son usine sulfurée, et la RN1 qui file droit vers l’est.
On a décidé de descendre par une rive de la Jökulsa a Fjöllum, traduit par « la rivière glaciaire des montagnes », qui est issue du glacier Vatnajökull au sud pour se jeter dans l’océan, au nord.
La route traverse des laves craquelées couvertes de mousses avec en arrière fond des montagnes embrumées, comme les nains du « Hobbit » :

Au-delà des montagnes embrumées
Non loin des sombres cavernes du passé
Dans l’aube bleutée
Il faut aller
En quête de l’or
Pâle et enchanté

Sauf que nous, nous sommes plutôt en quête de cascades !
Un volcan conique presque parfait, le mont Burfell, se profile au loin et se dresse hors de la morne plaine avec ses craquelures de gâteaux trop cuits.

“Gâteaux” volcaniques

Par endroits, d’antiques cairns tracent l’ancien chemin pour ceux qui traversaient le désert, comme le long de la piste Kjöllur, que nous avons parcourue il y a…quatre jours !
La route est quasiment droite, sans obstacles majeurs.

D’antiques cairns tracent l’ancien chemin

Après avoir obliqué sur la rive gauche de la Jökulsa en direction d’Asbyrgi, le paysage se change rapidement en un désert caillouteux, où de gigantesques coupoles semblent sortir de terre par endroits.
Toujours un désert minéral à perte de vue, qu’on parcourt sous la grisaille et la pluie, les moindres reliefs prennent une allure fantomatique dans la brume sous la bruine…

Dettifoss : la cascade de tous les superlatifs

Une vingtaine de kilomètres après le carrefour de la RN1, se trouve le parking pour la cascade de Dettifoss, que nous avons déjà visitée lors de notre précédent voyage. Mais vu ses caractéristiques, c’est un incontournable islandais, d’autant plus que nous allons la voir sous un autre angle, depuis la rive opposée où nous l’avions vue la première fois.
Hélas il pleut finement sans arrêt sur le chemin d’accès aux chutes mais on les situe de loin en raison du nuage de vapeur d’eau qu’elles produisent. Encore une montée et on découvre les chutes de Dettifoss sous la pluie, tout est détrempé… Elles ne semblent pourtant pas manquer d’eau !

La chute de Dettifoss

Quelques tentatives de photo en pose longue qui tombent…à l’eau, les filtres sont mouillés, l’appareil aussi…La vue depuis cette rive ne rend pas justice à cette chute d’eau spectaculaire, haute de 44m avec un débit de 200 m3/s considérée comme la plus puissante d’Europe ! Elle charrierait 500 000 tonnes d’alluvions par an…
Si vous avez vu le début du film Prometheus de Ridley Scott, on peut voir la chute d’eau de Dettifoss dans la première scène du film lorsqu’un vaisseau extraterrestre arrive sur Terre…je ne vous en dis pas plus !

La cascade la plus puissante d’Europe

Une tentative pour se rapprocher des chutes de Selfoss en amont de Dettifoss, à quelques centaines de mètres, mais l’accès est aléatoire et pas très bien aménagé avec des ruisselets qui courent, et des bras d’eau à franchir.

Chutes de Selfoss , en amont.

Un coup d’œil sur le lit de la Jökulsa taillé entre des parois d’orgues basaltiques et comme le temps ne s’améliore pas, repli sur le Land Rover.
Une fois de retour au 4×4 la première priorité est de se sécher et de se changer autant que possible ! Tout est détrempé et dégouline : K-way, pantalons, sac à dos et matériel.
Pause, le temps de récupérer et de se sécher, puis direction : plein Nord le long du fleuve dans son canyon !
On zappe sans regrets la chute de Hafragilfoss plus bas en aval, le site prometteur de Hljodaklettar et sa falaise de l’écho, Raudholar et sa paroi rouge.
C’est pourtant un site où a eu lieu un fait géologique rare : l’éruption d’un volcan sous la rivière, ce qui a provoqué une explosion gigantesque ! Il faudra revenir…

Atlantique Nord : dernière limite

A présent la route n’est plus asphaltée, seul l’accès vers Dettifoss l’est pour les touristes…et c’est maintenant un parcours chaotique sur la piste ravinée et détrempée.

Route défoncée vers le nord

Au fur et à mesure qu’on remonte vers le nord, le mauvais temps semble relativement se calmer ; on franchit le fleuve vers Asbyrgi pour continuer plein Nord sur la route 85.
Ici, une piscine municipale en pleine nature : on a dû exploiter une source chaude…

A voir le fleuve qui paresse à présent dans son estuaire ensablé, on a du mal à croire que c’est le même qu’à Dettifoss ? Puis on commence à longer l’Oxafjördur, fjord de l’océan Atlantique nord, par une petite route droite entre plages et criques battues par les vagues d’un côté et de l’autre, les parois sombres de montagnes noyées dans la brume.

Montagnes noires embrumées

Heureusement, ici aussi les lupins mauves apportent un peu de couleur des deux côtés de la route entre vert et noir. Après le petit port de Kopasker, la quête reprend dans un paysage de désolation, comme si le dragon Smaug du Hobbit avait soufflé par ici : tout est noir, caillouteux et aride, à peine quelques lambeaux de verdure.

Enfin s’annonce discrètement par un petit panneau le carrefour vers la pointe de Raudinapur, et on laisse la route 870 pour un chemin en direction de la ferme de Nupskatla, c’est ce qu’on a lu sur un blog d’ornithologiste pour s’y rendre.

Raudinapur

Avec le plat pays…on s’y croirait avec la mer du nord – de l’Islande – sauf qu’ici pas de dunes pour arrêter les vagues, mais des myriades d’oiseaux qui y ont élu domicile. Il faut franchir et refermer une barrière qui avertit de ne pas déranger les oiseaux ni descendre de voiture jusqu’à la ferme, car c’est une réserve ornithologique.

Lorsque la route se termine près de la ferme de Nupstkatla, elle est constellée d’oiseaux blancs qui doivent se réchauffer au contact du peu de chaleur accumulée par l’asphalte. A notre approche au ralenti, l’ensemble s’envole juste devant le pare-brise, effet hitchcockien garanti !

Effet hitchcockien garanti !

La ferme et ses dépendances sont isolées comme seules au monde, rien à des dizaines de kilomètres à la ronde. On laisse la voiture près des panneaux d’information, signe le livre d’or, à l’abri mais humide – qui s’en serait douté ? – avec un petit mot et on va enfin voir l’atlantique nord de près.

Accueillis par les oiseaux qui cerclent au-dessus de nous, intrus dans leur domaine, piquent et passent au-dessus de la voiture en rase motte puis s’en désintéressent.

Nuées de sternes

Ce sont principalement des sternes arctiques à la tête noire et queue double, il y aussi des goélands et d’autres. Le panneau recense aussi des mouettes, fous de Bassan, des macareux, des guillemots, des fulmars. La plupart migrent et abandonnent le site en hiver.

Sterne arctique en vol

La plage de rochers et galets, battue par les vagues, s’incurve jusqu’au volcan rouge de Raudinapur, ses 73 m dominent deux piliers qui s’avancent en mer, autrefois reliés une arche, mais qui s’est écroulée dans les années 1960.
Ils sont constellés d’oiseaux, on les distingue de loin en une multitude de points blancs mouchetant le roc noir.

On reste sur la plage sans aller jusqu’au cratère : des tronc d’arbres sont rassemblés en tas, polis par les vagues et durcis par le sel, c’est du bois flotté qui avait de la valeur autrefois en Islande car il n’y avait plus de forêts.

Récolte de bois flotté

D’un gris acier, il provient de Sibérie ou du nord de l’Europe porté par les courants marins jusqu’ici, comme autrefois arrivaient parfois des ours polaires…
Les galets sont de toutes les couleurs du gris au rouge et passant par le noir, ocre, lisses, troués veinés, sans cesse rebattus par les vagues en s’entrechoquant.

L’Atlantique nord : la plage de Raudinapur

On imagine la force des tempêtes quand on aura vu des troncs de bois flotté projetés de l’autre côté de la route qui longe l’océan à plusieurs dizaines de mètres de la rive !

Cercle polaire : 66° nord

Nous sommes ici à deux pas du cercle polaire arctique, le fameux 66° nord ; il est là, presque tangible, à quelques encablures en mer, on le sent…
Il traverse d’ailleurs la petite île habitée de Grimsey qu’on peut rejoindre en bateau et s’y faire remettre un diplôme de « passage de la ligne ! ».

Le cercle polaire ou 66° nord n’est vraiment pas très loin : il passe par l’île de Grimsey, où se situe le pointeur en forme de main…

Adieu aux oiseaux posés sur l’asphalte, retour par la petite route étroite accompagné par les oiseaux avec le même cérémonial : passage de barrière soigneusement refermée, qu’on retrouvera tout au long de notre périple islandais. Paysage de lac gris acier, chemin qui ondule entre lande et désert sombre de cendres et cailloux.

Descente finale cap au sud vers Grimstadir, notre gîte du jour. Halte le long du fjord où un pilier de lave s’élève en mer avec une arche trouée, l’endroit est venté, la plage colonisée par les oiseaux et des canards barbotent au bord, pas frileux !
La route est bordée de lupins mauves en fleur, qui s’étendent parfois sur des centaines hectares jusqu’à la plage du fjord, étouffant toute autre végétation à part les angéliques, sous le ciel de plomb.

Route bordée de lupins
Envahissants lupins !

Il ne pleut plus depuis notre arrivée sur la péninsule et on entrevoit un bout de ciel, un coup de soleil fugace illumine le fjord pour quelques minutes, une grande baie où les rouleaux se succèdent par vagues, tel est le paysage de l’aller qui se déroule à l’envers.

Soleil sur le fjord

Nous redescendons par l’autre rive de la « rivière glaciaire des montagnes », la Jökulsa a Fjöllum, par la route 864.  Autant elle nous avait laissé de bons souvenirs sous le soleil et elle était roulable lors de notre précédent périple, autant elle est à présent défoncée, truffée de nids de poules, avec la pluie qui a repris et n’arrange rien !

Route vers Grimstadir

On nous apprendra qu’elle est délaissée maintenant au profit de la route prise à l’aller…Ça se voit !
Enfin arrivée à Grimstadir, comme dit notre roadbook, on ne peut pas le manquer, perdu au milieu de nulle part !

Grimstadir, notre halte du jour

Domaine de Grimstadir, dans le nord-est de l’Islande : 300 km2, neuf habitants, installés au milieu d’un plateau enneigé huit mois par an, à 45 kilomètres du village le plus proche. Il y a cinq maisons à Grimstadir, dont deux sont habitées.
En 2011, tout change : ils apprennent qu’un milliardaire chinois veut acheter le domaine pour construire un hôtel de luxe avec terrain de golf, club d’équitation, piste d’atterrissage… Brouille entre les habitants, pour ou contre ?
En fait il s’agirait d’établir une future étape en Islande, lorsque le passage des bateaux sera facilité par la fonte des glaces due au réchauffement climatique !

Installation et repas le soir dans notre maison que nous partageons avec d’autres personnes, au calme, à l’écart de la RN1.
Comme d’habitude, des chambres, un salon commun avec livres, TV pour discuter, et une cuisine bien équipée avec une grande table pour manger.

Nous aussi sommes naufragés à Grimstadir !

Le soir tombe, une fois installés, nous préparons notre repas et mangeons en parlant de notre route du lendemain vers le centre de l’Islande, l’Askja.

Il est 20h…
Nous sommes le 19 juillet…
En plein centre désert de l’Islande…

…Dehors, il se met à neiger !

Bienvenue en Islande…

Un autre monde : les merveilles de Myvatn

Sommeil de minuit :

1h du matin à la Guesthouse Stong, je suis réveillé et je me dis qu’il serait intéressant de voir à quoi ressemble ce “soleil de minuit” qui ne se couche pas en été ?
J’écarte le rideau de la fenêtre dans notre maisonnette…et nous sommes cernés par le brouillard dans notre petite maison au milieu de la prairie, qui est devenue une île au milieu d’une mer de brumes !
C’est comme un ressac qui monte et reflue doucement, et même la maisonnette à 25m d’ici n’est pas visible, alors résigné je me rendors…

Au réveil le brouillard a reculé mais des nuages gris ont pris le relais et il bruine légèrement : tant pis on fera avec.
Après le copieux petit déjeuner islandais, je demande l’avis sur la météo à la ferme, mais guère encourageant : peut être meilleur…au nord paradoxalement ?
On rejoint donc la grand’ route depuis la ferme avec les myriades de ruisselets qui coulent dans les fossés, pour un tour des merveilles du lac de Myvatn, le “lac des moucherons” (vatn est le terme islandais pour “eau”, my pour “moucherons”), accueillis par…des moutons bien sûr !

Le mouton, l’emblème islandais

Cette étendue attire beaucoup d’oiseaux, plus de 115 sortes recensées dont près de 30 espèces de canards. C’est un vaste lac de 37km2, la 3e plus vaste du pays mais profond seulement de quelques mètres, gelé six mois dans l’année avec la seule zone habitée dans les hautes terres depuis les Vikings, il comporte plusieurs sites d’intérêt aux alentours.
En route !

1. Skutustadir

A proximité, le site de Skutustadir et ses pseudos volcans : ce ne sont pas des “vrais” volcans avec cratère et cheminée crachant de la lave provenant du magma sous la croute terrestre, mais des formations circulaires régulières formées par des explosions de vapeur lorsque de la lave rencontre des terrains humides.

Pseudo volcan à Skutustadir

Le site se trouve en bordure du lac et comporte de nombreux cratères petits et grands mais surtout de forme arrondie et régulière, certains sont circulaires, d’autres égueulés. Beaucoup de verdure et familles de moutons en liberté, mais aussi beaucoup d’oiseaux peuplent cette partie de Myvatn. La vue sur le lac est assez bouchée par la brume mais ajoute son parfum de mystère ambiant.

Un cratère de Skutustadir et le lac

Le sentier slalome en boucle à travers les différents cratères, le site est d’ailleurs classé monument national et on le comprend. Cratères- moutons, moutons-cratères, le paysage est doux aux formes arrondies et teintes vertes dans le gris brumeux.

Skutustadir, cratères,
Vue panoramique

La route fait le tour du lac en passant à présent par des formations de lave tourmentées et entassées, un petit promontoire permet un aperçu dans cette partie de Myvatn avant d’arriver au site de Dimmuborgir en passant entre champs de lave et l’eau.

Ilots sur le lac Myvatn

2. Dimmuborgir, le château noir :

Dimuborgir , “le château noir” en islandais, est un ensemble de formations de lave en forme de tours ou de murs, certaines trouées, qui lui ont valu ce nom. Beaucoup de monde ici aussi, voitures, cars de touristes qui viennent parcourir les sentiers, guidés ou non, il y a même un magasin et restaurant.
Ces formations s’expliquent par des cheminées de vapeur qui ont émergé lorsque la lave a recouvert une zone humide et a formé une croute en surface. Plus tard le magma a coulé puis la croute en surface s’écroule en ne laissant que les cheminées. A quelques endroits la couche de magma a dû atteindre 10m de haut au vu de certaines structures restantes.

Formations erratiques de lave à Dimmurborgir

Dans la mythologie islandaise, Dimmuborgir est l’endroit où Satan a atterri lorsqu’il a été renvoyé des cieux, plus généralement dans le folklore, c’est un lieu où la terre est reliée avec les régions souterraines infernales.

Végétation rabougrie entre les laves

Des coulées de magma, il subsiste des formations étonnantes en forme de tours, épaisses ou fines, de murailles quelques fois trouées, ou des gouffres béants.

Une ouverture sur les enfers ?

Partout des amorces de cavités ou grottes, il doit en rester beaucoup à découvrir au fil des effondrements ou prochaines secousses terrestres…

Muraille de lave trouée

Des montagnes de lave aux formes tarabiscotées, le tout dans un dédale agréable -même avec le mauvais temps- dans la verdure qui arrive à pousser on ne sait trop comment : arbustes nains comme les bouleaux tordus, saules cotonneux, peu de fleurs, sauf la Lychnis rose ou Bartsie alpine violette et angélique… ce qui rend le site plus austère.

Comme une muraille crénelée d’un château

Tours trapues ou effilées, empilements de lave, “gâteaux” craquelés ou mille feuilles qui semblent prêts à s’effondrer toutes les formes sont curieuses à contempler.

Il y a une formation de lave remarquable nommée Kirkja (“l’église”), comme une grotte en “V” renversé ressemblant à une chapelle, sous un feuilleté de couches de lave.

Kirkja, “l’église”

La grotte est haute de 10m environ et traverse le promontoire de lave, avec une autre cavité encore à l’intérieur ; ce sont les vestiges d’un conduit de lave, lorsque la lave s’écoule, le pourtour se refroidit à l’air et se solidifie en formant un tube, quelques fois en « macaroni », ici le reste s’étant effondré vu la taille de la structure.

L’intérieur de la grotte

Après exploration, le sentier continue à travers la végétation de lande, de bouleaux rabougris et les formations bizarres, comme un bénitier ici, des gargouilles ailleurs.

Un bénitier
Le sentier entre les saules laineux et les camarines
Formations colorées de lave

Il y a même des grottes où les “Yulelads”, sortes de pères noëls farceurs islandais, sont censés se reposer en attendant de s’activer à la période de Noël.
Ce sont les 13 enfants de Gryla et Leppaldui, des trolls vicieux vivant dans une cavité ; ils ont tous des noms amusants : lécheur de cuiller, voleur de saucisse, gobeur de skyr (yaourt islandais très nourrissant !), claque-porte qui aime réveiller les gens en claquant les portes… La mythologie islandaise est très riche et inventive !

De splendides bulles de laves comme faites de pâte feuilletée se dévoilent ça et là, alors qu’ailleurs des empilements tourmentés font penser à des visages aux orbites creuses. La lave figée dessine même des motifs qu’on confondrait avec un tronc noueux.

Au loin se profile le cratère caractéristique du volcan Hverfjall avec son cône régulier de scories grises dans son immensité : 250m de haut et 1200m de diamètre. Malheureusement on ne pourra y monter à cause du mauvais temps persistant…ce sera pour la prochaine fois !

Le cratère caractéristique du volcan Hverfjall

3. Bjarnarflag :

Et nous poursuivons notre tour du lac vers la zone du volcan Krafla. On oblique à Reykjalid vers l’est ; un panneau annonce la température ambiante : 4°C…et il pleut ! Eh oui, c’est bien le mois de Juillet ; et le pire reste à venir, mais on ne le sait pas encore…
Ici aussi les lupins ont colonisé le bord de la route et sont en fleurs pour apporter une touche de couleur. Quelques kilomètres plus loin au pied du massif de Namafjall, une usine fume au bord d’un lac bleuté : c’est la centrale géothermique de Bjarnarflag, la première du pays à produire de l’électricité à partir de la vapeur dus sous-sol ; il y avait jusqu’en 2004 une usine qui extrayait de la diatomite, une algue à la carapace siliceuse utilisée en filtration (et produits de beauté, mesdames) ce sont ces algues siliceuses qui donnent la teinte bleutée de l’eau.

Lac bleuté à Bjarnarflag

Des deux côtés de la route des jets de vapeurs fusent dans le paysage et sont exploités car on voit des bâtiments, constructions et tuyauteries à proximité. Sur la gauche les tuyaux convergent vers l’usine qui fume, dommage -ou heureusement- que les photos ne restituent pas l’odeur car quant on descend, une forte émanation sulfurée nous prend au nez et que j’aimerais partager…
Néanmoins, les eaux bleues et irisées de blanc dans les bassins luisent presque dans la grisaille ambiante. Le tout dans le cadre dénudé et monotone de Namaskard avec les pipelines qui donnent un aspect quasi extra terrestre au paysage. Des panneaux rappellent qu’il est interdit de se baigner, la température de l’eau étant élevée et variable, l’odeur n’y engage pas non plus…

Une fois le col franchi, la route redescend vertigineusement vers la zone géothermique de Hveraroend ou Namafjall qu’on visitera plus tard. A peine plus loin on oblique à gauche en direction de la zone du Krafla.

Ça fume de tous côtés !

3. Les feux du Krafla.

Le Krafla est un système volcanique avec un cratère principal qui se situe sur une faille étendue de la côte nord jusqu’à Myvatn, dont les éruptions se succèdent depuis 100 000 ans jusqu’à il y a quelques années !
Il se compose d’une caldeira effondrée, et un petit lac bleu, Viti (“l’enfer“, tout un programme). II y a eu des manifestations volcaniques en 1724 pendant 5 ans, puis de 1975 à 1984 de nouvelles éruptions et des tremblements de terre dans la caldeira et à Leirhnjúkur, avec une coulée de lave noire encore fumante en 2015 !
On a alors mesuré un écartement de la caldeira de 9m ce qui est considérable ! Un forage à grande profondeur a rencontré la chambre magmatique à 2,4km de profondeur, plus près qu’on ne pensait !

La centrale géothermique de Krafla

La route passe à côté d’une autre usine géothermique plus récente, la centrale géothermique de Krafla, beaucoup plus imposante et plus récente, aux allures futuristes avec tout un ensemble de tuyauteries sur les collines avoisinantes et des sortes de bulles aux motifs hexagonaux qui convergent à l’usine.

Paysage extra-terrestre : une autre planète ?

L’usine a été implantée dans les années 1970, mais les éruptions d’alors retardèrent les travaux mais donnèrent de l’expérience dans cette technologie.

Ici tout fume : la terre de palagonite orange, les forages rouges dévalant des montagnes, les ruisseaux bleus qui écoulent l’eau chaude de la géothermie.
On se croit dans un paysage extra-terrestre de science-fiction, d’autant plus qu’on y participe car la route passe sous les tuyaux en “U” inversés : bienvenue à Kraflaworld !

Bienvenue à Kraflaworld

4. Viti, bleu d’enfer :

Après une côte escarpée, la roue se termine dans la brume au pied du lac Viti ; c’est un cratère d’explosion rempli d’une eau colorée en bleu turquoise dû à de microscopiques algues siliceuses. Il y subsiste une large plaque de neige, et du terre-plein on a du mal à le photographier dans son ampleur, le plafond nuageux plane juste au-dessus. En montant le sentier sur la droite, on patauge vaillamment dans la boue et il se forme des semelles pesantes de 2 cm !

Panorama sur le lac Viti

D’en haut la vue est plus belle, mais il faut faire attention à ne pas glisser car les versants sont escarpés et humides. A présent les nuages sont descendus et masquent quasiment le lac, lui donnant une allure fantasmagorique ; plus haut on découvre un autre petit lac et une zone de fumerolles aux terres décolorées qu’on peut aussi visiter.

Dans la brume bleu électrique…

Il ne reste plus qu’à redescendre précautionneusement le long du sentier, bien à l’écart du bord, et décrotter ses chaussures de marche comme on peut… Il n’y a pas de racle-chaussures avec des brosses comme on a vu ailleurs en Islande, dommage !

Viti dans les brumes

5. Leirhnjúkur

Leirhnjúkur est un autre volcan de la chaine du Krafla, formé de rhyolite, poreuse due à l’activité géothermale, parfois transformé en argile, d’où son nom islandais qui signifie “colline d’argile“. Son activité récente date de 1724-1729 et plus récemment de 1975-1984, il n’y a pas si longtemps, un clin d’œil sur l’échelle géologique !

Le point de départ de la randonnée part du parking le long de la route qui mène à Viti. Le chemin qui mène aux fumerolles distantes de 1km traverse des champs moutonneux de mousse et d’herbe rase recouvrant des coulées de lave en adoucissant les contours, mais pour une fois désertée par les moutons !

Paysage monotone de mousses sur le champ de laves

Quelques fleurs rases, des silages roses et autres, mais un étrange ovni émerge de la brume : une station météo avec éolienne-girouette qui tourne à tous vents…

Étrange ovni ? non, une station météo

Plus avant, on distingue déjà au loin le flanc coloré du massif du Leirhnjúkur, comme irréel entre brume ambiante et fumeroles qui montent de ses flancs. Au fur et à mesure la vision se précise : la verdure déclare forfait face aux fumeroles chaudes et agressives, la palette de couleurs s’étire du marron-ocre au jaune-blanc, par bandes irrégulières comme un dégradé.

Le massif du Leirhnjúkur dans les brumes

A l’approche de la zone on franchit une coulée de laves récentes, de couleur noire, foncée et fissurée par des craquelures. Les coulées plus anciennes se teintant en marron clair avec le temps et se couvrent de mousse et lichens.

Un trajet aménagé sur une passerelle en bois, glissante avec le crachin et la boue parcourt le long des manifestations thermiques ; la végétation devient sporadique pour disparaître tout à fait lorsque ça chauffe !

Le site de Leirhnjúkur

Des ruisselets grisâtres s’écoulent entre les amas arrondis d’argile rouge surmontés par des fumées tourbillonnantes, des croutes gris-bleu ou jaune-orange surmontent parfois les monticules, comme une maladie superficielle extraterrestre, illuminant de couleurs l’argile monotone.

Un feu d’artifice de couleurs

Le plus beau, ce sont ces délicats cristaux de soufre en aiguilles, à deux pas du sentier, à la bouche d’un évent, si délicates et fragiles qu’on se retiendrait presque de respirer !

Cristaux de soufre en aiguilles

Aux alentours, d’autres cristallisations minérales se sont déposées en blancs, jaunes et oranges groupées sur les rochers comme des coraux.

Chaque roche rouge semble givrée de ces cristallisations comme si un vent minéral avait soufflé uniquement à leur partie supérieure, c’est déconcertant, et chaque monticule a son propre type de cristaux colorés, comme si chaque évent crachait un souffle propre produisant des dégradés différents.

Plus loin on rencontre la coulée récente de lave des années 1975 qui s’est arrêtée net, ses laves noires tranchant sur la rhyolite orange du massif, la verdure marquant une faible zone démilitarisée.

Côté cratère, c’est le spectacle devenu presque habituel et recommencé dont on ne se lasse pas : un étang bleu laiteux qui bouillonne, souffle, glougloute, des vapeurs et fumerolles qui montent et ondulent dans un cadre de toutes les couleurs…

Un étang bleu laiteux qui bouillonne

La suite du parcours est dantesque dans une brume qui descend et remonte, les vapeurs qui tourbillonnent avec un bruit de fond grondant incessant, sans parler des odeurs !
L’ascension du Leirhnjúkur se poursuit heureusement par les escaliers aménagés maintenant dans la coulée basaltique noire aux formes tortueuses, comme des racines d’arbres charbonneux avec peu de mousse. Un vrai décor de film, du Seigneur des Anneaux à Game of Thrones, en passant par Voyage au centre de la terre…

Un vrai décor de film…
Comme des racines tortueuses

Des gouffres baillent d’un côté alors qu’un mur gris de moellons titanesque semble effondré de l’autre, le tout dans la brume. Des évents exhalent çà et là des rejets clairs sur les scories noires, on ne sait plus trop où passe le sentier, de toutes façons il y a tant à voir de tous côtés !

Couleurs de lave

On vagabonde, menés par le sentier, surplombant la plaine de lave en contrebas, ici le mur de lave semble presque végétal avec des feuilles.

Là, les laves sont couleur sang, ailleurs les mousses quasi phosphorescentes survivent dans un dédale de rochers carbonisées qui fument encore.

Les mousses quasi phosphorescentes

Le sentier vire et redescend, enfin un peu d’herbe pour décrasser les chaussures et on touche au front de la coulée de lave d’il y a quelques décennies. Laves noires tourmentées qui semblent figées d’hier, sans la chaleur, comme une noire armée qui ne semblent attendre qu’un ordre pour reprendre sa progression.

Comme une noire armée …

De l’autre côté du volcan ce sont des laves marron informes qui barrent le passage et un névé de neige encore installé là pour quelque temps ; on reconnaît au loin le chemin d’arrivée, la boucle se referme, et retour au parking.

Panorama sur Leirhnjúkur

6. Namafjall

Nous avions déjà visité Námafjall (« la montagne de la mine ») il y a quelques années mais ce site est tellement spectaculaire qu’on y retourne avec plaisir. Aussi appelé Hverarönd, ou « sources chaudes des canards » c’est un site hydrothermal de sources chaudes et fumerolles, de mares bouillonnantes et de solfatares très actifs et spectaculaires.
Site exploité autrefois pour le souffre de la poudre à canon, il appartient au même système volcanique que le Krafla à une dizaine de kilomètres de là et se situe dans une plaine dénudée et aride, au pied du massif de Namaskard, au bord de la RN1. Accessible et bien aménagé, de ce fait très visité à tel point qu’il a été envisagé de faire payer l’entrée pour entretenir le site ce qui a soulevé des protestations…

Námafjall, la montagne de la mine

On y trouve plusieurs types de manifestations géothermiques comme des vasques d’eau bouillonnantes provenant de l’infiltration d’eau froide du sol vers le magma et qui remontent sous forme de vapeurs sulfurées ; inutile de dire qu’il vaut mieux rester à distance !

Vasques d’eau bouillonnantes

Ou encore des mares de boues grises agitées à gros bouillon, c’est l’hydrogène sulfuré transformé avec l’eau du sol en acide sulfurique qui dissout l’argile brune pour le transformer en ce brouet gris encore plus dangereux.

Danger ! Acide et brûlant…

Ailleurs un petit évent cristallise autour de lui ses rejets en jaune, vert et blanc.

Plus loin un énorme solfatare projette un jet de vapeur continu en sifflant au sommet d’une pyramide de cailloux teintés de soufre, dévié aussitôt par le vent ; un autre plus loin moins virulent semble boudé par les touristes, tant mieux !
A côté, un paysage de désolation aride et nu parsemé de cailloux et coloré en jaune par le souffre et blanc par le gypse.

Un solfatare projette un jet de vapeur continu

En certains emplacements on retrouve le mélange des trois couleurs principales du site : le blanc, le jaune et le gris, quelquefois les cristaux de gypse dominent, quelques fois ceux de soufre.

Palettes de couleurs

Le sentier fait le tour des différentes curiosités du site sur quelques centaines de mètres, puis revient au pied de la montagne qui elle aussi fume à son sommet, avec d’autres colorations comme des coulures, d’autres fumerolles, mosaïques de boue séchées, pour finir par des vasques de boue grises bouillonnantes larges de plusieurs mètres.

Le fantôme de Namafjall

Au pied de la paroi, toujours une palette de couleurs typique du site, puis les dernières vasques de boues grises plus ou moins actives et visqueuses ; aucune envie d’y mettre les mains ou de s’en approcher trop !

Marmite de boue bouillonnante

Dernière vue d’ensemble avant de quitter Namafjall, même ici les lupins réussissent à coloniser le sol pourtant aride et désertique…

Comme une vague de soufre….

Autant on connaissait Namafjall, autant on n’avait pas entendu parler de Grjotagja, la grotte secrète aux eaux chaudes et bleutées, alors…

7. Grjotagja, la grotte aux eaux bleues :

Grjotagja se trouve à deux pas de la cité proche de Myvatn, à 1km sur la RN1 vers l’est, tourner à droite sur la route 860 au panneau, puis après 2km arrêtez-vous sur le parking sur votre droite (là où il n’y a pas de panneau…) au pied d’une sorte de talus rocheux…

Faille volcanique de Grotagja

C’est en fait une grotte formée dans une faille sismique qui s’est fendue à son sommet et qui est remplie d’une eau chaude d’un bleu opalescent.
Avant l’épisode nommé « les feux du Krafla » entre 1975 et 1984 on pouvait s’y baigner, mais depuis les coulées de lave souterraines ont fait remonter la température de l’eau jusqu’à plus de 60°. Actuellement entre 43° et 46°, elle semble baisser d’un degré par an environ ; dans 20 ans elle sera parfaite pour moi qui craint l’eau chaude ! A moins d’un autre caprice sismique ?

Ce site privé appartenant à la ferme de Vogar qui autorise l’accès pour l’observation et les photos seulement et à vos risques et périls ; donc la baignade est en principe interdite, mais il y a en contrepartie beaucoup de monde pour jeter un coup d’œil !

Une ambiance de calme mystérieux

L’accès n’est pas aménagé, on y descend par un trou entre les blocs de rocher pour arriver au bord de l’eau. Il y a un accès à chaque extrémité de la grotte qui est tout en longueur et pas beaucoup de place, juste un seuil de quelques mètres.
Et là, c’est l’émerveillement…une eau calme et cristalline, teintée de bleu et qui semble luire ; une ambiance de calme et de mystère avec des volutes de vapeur qui flottent doucement dans un écrin de roche claire et ocre, pas de bruit.

Pour aller plus loin que le bord au pied de la descente, il faudra faire un peu de spéléo et se faufiler sur la droite entre les blocs rocheux pour arriver à une extrémité de la grotte où l’on peut l’apprécier dans sa longueur, éclairée par ses deux entrées naturelles latérales. Difficile de s’extraire de la contemplation du tableau…

En noir et bleu…

C’est plus difficile de remonter que de se laisser glisser sur les rochers… Une fois ressorti à l’air libre, visite à l’autre extrémité par la deuxième entrée plus facile d’accès. On se trouve face à la nappe d’eau, tout aussi translucide, et ses vapeurs mais sans les rochers émergeant de la surface qui font la beauté de l’autre accès.
Pour continuer la visite, un sentier part dehors à l’arrière de la grotte et permet de parcourir la faille afin de se rendre compte de l’ampleur de la fissure et de son étendue : ne pas se pencher !

Faille à Grjotagja

Retour avec du bleu de Grjotagja dans les yeux à notre guesthouse, à travers les landes et pâtures, et les moutons comme l’écume blanche dans l’océan de verdure, vers notre petite maison dans la prairie.

Retour à Stong

Probablement une des journées les plus riches de notre voyage, Myvatn est un incontournable d’une visite en Islande !

L’étape du jour !

Un autre monde : route Nord

Nous sommes à présent au nord de l’Islande, après avoir traversé l’île du sud au nord en partant de la pointe sud-ouest à l’aéroport de Keyflavik et une halte dans les montagnes de Kerlingarfjöll. A travers pistes et déserts, nous avons rejoint la civilisation et la route n°1 pour faire notre seconde halte près de Varmalid, petit village dans les prairies verdoyantes.

Varmalid

Réveil gris à la guest house Steinstadir à Varmalid : sous un ciel de plomb, il bruine lorsque nous partons. Nous cherchons les cascades de Reykjafosss qu’on a localisé à proximité d’ici lors de nos préparatifs, mais au vu du cours calme de la rivière on doute qu’elles soient par ici.
Renseignement pris auprès de la guest house, la jeune fille m’a expliqué qu’elle doit se trouver un peu en aval : il faut tourner au prochain pont à droite, passer la rivière et après une montée prendre une piste à travers champs jusqu’au point de vue.
En suivant les indications on trouve bien les chutes d’eau, au bout d’une marche à travers champs et portails à bien refermer après passage. Elles sont splendides !

Les cascades de Reykjafoss

Les chutes sont étagées en de multiples niveaux par paliers, s’alimentant les uns les autres, on dirait un jeu de construction cubique arrosé…La rivière fait un coude juste avant les chutes et une autre rivière rejoint le bas des cascades dans un canyon.

Les chutes sont étagées en de multiples niveaux

Même s’il pleut et qu’il fait gris, on s’attarde à les photographier sous différents angles ; en effet un ciel nuageux ajoute toujours du relief par rapport à un ciel uniformément et désespérément bleu ; ici on est gâtés…

Les chutes se jettent dans un canyon

Vydimiri

Étape suivante juste à quelques encablures, à Vydimiri, pour sa petite église de bois noir aux murs de tourbe. Depuis le 12e siècle une église existe ici mais celle-ci date de 1834, tout en ayant réutilisé des vestiges de 1616, et elle sert toujours pour les offices religieux.
Il n’y a personne lorsqu’on arrive alors que s’annonce un bus de touristes ; on se dépêche de passer le portail de bois vert tendre puis le portillon vert foncé (décidément le curé local est écolo !) du cimetière avec ses deux cloches.

A Vydimiri

Et voici l’église au bout d’une petite allée dallée : les soubassements des côtés sont en plaques de tourbe, posés en diagonale : pourquoi ? Il semble que cette disposition résiste mieux aux tremblements de terre…

L’église au bout d’une petite allée dallée

Murs de bois teints en noir, autrefois c’était avec le goudron des bateaux, aux encadrements soulignés en rouge, le toit est couvert de plaques de gazon, du soubassement au sommet, l’herbe pousse dru ; est-ce qu’on la tond seulement ? On a parfois vu des moutons s’aventurer sur des toits semblables.

Soubassements en plaques de tourbe

Pas de signes religieux hormis la discrète croix au dessus du portillon et au faîte du toit où deux planches se croisent comme des cornes de taureaux.
Pas de signes ostentatoires, en effet l’écrasante majorité des islandais sont luthériens, mais une grande partie aussi -bien que cela ne soit pas considéré comme une religion-, croient aussi en la présence d’un Huldufólk, (« peuple caché ») en affirmant croire aux peuples invisibles et merveilleux et en la présence de trolls et d’elfes dans le pays…
Attention on ne rigole pas ! Un projet de route a même été détourné car celle-ci aurait traversé un rocher connu pour abriter des elfes.
Une autre planète, aux autres croyances…

Porte basse, fenêtres carrées et minuscules on se croirait plutôt près d’une maison de conte de fées qu’à l’église…

L’intérieur de l’église de Vydimiri

L’intérieur est intégralement en bois, et tout aussi splendide que minuscule : du sol au toit en passant par les murs, grilles et les bancs, tout est en bois. Ce qui est du luxe en Islande où le bois était une matière d’exception, toutes les forêts ayant été rasées dans le passé, le seul disponible étant le bois flotté arrivant poussé par les courants marins, souvent de Sibérie…

En bois du sol au plafond

Autour de l’édifice, une prairie verte, des arbres, un cimetière clos par une petite grille de bois vert. Quelques tombes où les noms finissent en « dottir » (fille de..) ou « son » (fils de…) vous vous rappelez ?

L’arrière de l’église

La horde touristique est repartie ainsi qu’un groupe de motards. L’église et son cimetière retrouvent le calme séculaire et sa sérénité près du ruisseau, à l’abri de son écrin dans la verdure.

Route vers Myvatn

Reprise de la grand route RN1 vers Myvatn, notre destination. Ou du moins c’est ce que nous croyons…Quand on croise la ferme de Glaumbaer, qu’on a déjà visité il y a quelques années et qui se situe vers le nord ! Des vestiges d’une ferme typique aux petits bâtiments accolés, au toit couvert d’herbe, adossés à la colline…et beaucoup de touristes car l’endroit est pittoresque et témoigne du passé islandais.

Tant pis, on a le temps sur cette étape et on poursuit notre chemin vers le nord, le long du large estuaire d’un fleuve qui semble paresser en slalomant dans son large lit entre les prairies où l’on fauche l’herbe pour l’hiver. L’été ne dure que deux mois ici et il ne faut pas perdre de temps, certains champs sont ponctués de ballots d’herbe empaquetés de blanc.

Fenaison et ciel bas

Beaucoup de grosses fermes aux couleurs chatoyantes, vert olive, bleu canard… les nuages s’accrochent toujours aux coteaux des montagnes et ne semblent pas décidés à lever le camp. Enfin on voit non pas le bout du tunnel, mais la ville de Saudarkrokur au fond de la baie de Skagafjordur qu’on franchit sur un pont à l’embouchure avec un panneau “Attention vols de fulmars” ; non, il n’y a pas de base aérienne à proximité, ces sont de grands oiseaux de mer !

Saudarkrokur et la baie de Skagafjordur

On espérait se rapprocher d’un phare pour la vue mais sans succès, donc on redescend vers la RN1 après un arrêt panoramique en haut d’une côte dominant l’eau bleu-vert de la baie. Une descente vertigineuse et c’est l’autre côté de l’estuaire avec ses prairies verdoyantes, puis on retrouve la route principale après ce détour involontaire.

Route vers Myvatn

La route sinue à présent comme dans une vallée alpine entre deux montagnes et au milieu coule…un torrent. Le temps a l’air de se lever et on aperçoit des bribes de bleu dans le blanc laiteux du ciel. Il reste quand même une belle couche cotonneuse qui occupe presque la moitié de la visibilité latérale. Le paysage est bucolique avec ses prairies, son torrent, ses fleurs qui contrastent avec les déserts de la veille.

On oublierait pour un instant qu’on se trouve au pays des volcans et glaciers… Tous les sommets avoisinants dépassent les 1000 m et sont couverts de neige, l’un d’eux est même couronné de nuages, leurs versants charbonneux et ravinés se couvrent de verdure d’un vert cru qui tranche singulièrement sur le sol noir.

Écharpes de nuages sur les montagnes

Dans les zones humides poussent des linaigrettes, blanches et duveteuses qui survivent au froid hivernal. Les nuages tentent un dernier round en s’accrochant aux sommets mais c’est le soleil qui l’emporte enfin dans un ciel bleu sur le paysage alpestre peuplé de…moutons, bien sûr !

Montagnes noires et pâturages verts.

Petites fermes colorées en bleu, vert, rouge, vallée glaciaire façonnée par les antiques glaciers il y a des milliers d’années, petit à petit on se rapproche de Akureyri, la 2e ville du pays avec…18 000 habitants.

Halte à côté de la route, au bord du torrent sur une aire aménagée dans les arbres, tout y est prévu : tables, poubelles, WC, panneaux explicatifs, vraiment bien aménagé et on retrouve cette attention à chaque site touristique jusque au fin fond du pays !

Halte bucolique

La halte est bucolique dans les arbres, le trafic routier n’est pas l’autoroute, il y a peut-être une voiture à la minute. Le torrent d’eau émeraude coule juste à côté, une fermette aux tons bleu canard s’agrippe aux flancs de la montagne et des écharpes de nuages s’accrochent aux sommets, un vrai tableau coloré.

Paysage bucolique d’Islande

Une fois restaurés la route reprend et débouche alors de la vallée encaissée dans une plaine au bord du fjord Eyjafjördur au fond duquel se blottit Akureyri. Route moins sinueuse, paysage entièrement agricole de champs et fermes, toujours notre torrent bleuté comme guide et les nuages accrochés aux montagnes.

Akureyri

A présent nous sommes tout proche d’Akureyri, l’horizon est barré par une chaine de montagnes à moitié enneigées de l’autre côté du fjord, c’est normal nous sommes à présent dans le nord-est de l’île, une des régions plus froides, les hautes terres du centre mises à part.
La route surplombe le fjord et son eau d’un bleu profond ; petit arrêt photo panorama sur le côté, qui vaut le coup d’œil avec en prime un ciel bleu et le soleil qu’on n’avait pas revu depuis notre arrivée, quoique nettement moins chaud que dans le midi…

Au bord du fjord Eyjafjördur

Ville de 18 000 habitants, 2e ville du pays, hormis l’agglomération de Reykjavik. Tout est dit, les 2/3 de la population sont autour de la capitale, Reykjavik, il reste un peu plus de 100 000 islandais sur 100 000 km², le calcul est vite fait : un habitant au km² environ ! Mais Akureyri reste une ville agréable, au bord du fjord azur sous le soleil, ne serait-ce la neige aux alentours (et la température !), le port avec ses voiliers se donne un air tropical.
Au fait vous avez peut-être déjà entendu parlé d’ Akureyri ? Si vous avez lu “L’étoile mystérieuse” avec Tintin, c’est là que le bateau de l’expédition polaire commandé par le capitaine Haddock fait halte pour se ravitailler. Fin de l’épisode littéraire !

Vue du port d’ Akureyri

Une halte à l’office du tourisme pour essayer de trouver un canyon à visiter, un tour de magasins et c’est reparti, la route contourne le fjord Eyjafjörður jusqu’au fond et gravit la rive opposée. De là, une vue plonge sur toute la cité d’Akureyri et ses quais qui accueillent même un paquebot de croisière.

 On distingue aussi la cathédrale à l’architecture moderne semblable à la Halgrimskirkja de Reykjavik, en orgues basaltiques stylisées : c’est normal, c’est le même architecte ! Et toujours les lupins omniprésents qui illuminent le paysage et colonisent l’île.

Un magnifique panorama avec les montagnes veinées de neige à l’arrière-plan, la ville au bord de l’eau dans son écrin de verdure et le fjord bleu qui s’étire à perte de vue. Certaines montagnes à droite vers l’embouchure ont l’air d’avoir été rasées au couteau à la même altitude, ceci est dû, parait-il à des éruptions sous le glacier qui recouvrait alors l’Islande.

Akureyri et les montagnes plates en arrière plan

Toujours plus avant, la route remonte le fjord puis oblique finalement vers l’est par un col entre les montagnes noires toujours sous un ciel bleu ensoleillé, et on bascule ensuite vers une vallée verdoyante où là aussi, on a fait les foins, parsemant les champs des balles foin emballées de blanc Plus loin des chevaux paissent parmi des myriades de boutons d’or.

Chevaux et boutons d’or

La chute des dieux :

Godafoss, dite “chute des dieux”, car la légende raconte qu’à l’époque de l’évangélisation de l’Islande, un chef viking y jeta les statues des anciennes divinités païennes en signe de soumission à la nouvelle religion.
A mesure qu’on approche de la cataracte, la brume d’eau qui s’élève des chutes est bien visible.

Les chutes de Godafoss

La cascade fait partie des sites les plus visités sur l’île en ayant l’avantage d’être sur la RN1 ; les mauvaises langues prétendent que la RN1 a été tracée en fonction des sites touristiques…Il y a encore beaucoup de monde en cette fin d’après-midi, malgré le ciel qui se charge à nouveau en nuages sombres.
Le site est magique avec la rivière qui se divise en deux cascades de hauteurs différentes et avec un bloc de rochers qui émergent du bassin pour rompre la monotonie, un vrai régal pour la photographie…

Comme une cascade de lave…

La montagne solitaire :

Dernier tronçon jusqu’à notre halte du soir et pour deux jours, à la guest house Stöng à proximité du lac de Myvatn, car il y a beaucoup à explorer dans la région. Des monts impressionnants se dressent hors de la plaine, avec une montagne tabulaire coiffée d’une bande de nuages affleurant juste le plateau, puis le Vindbelgarfjall qui culmine à 530m, une montagne solitaire comme dans “Le Hobbit” mais -probablement- sans dragon.
On se propose de la gravir pour profiter du point de vue sur tout le lac et ses alentours. Il fait beau, grand soleil et ciel bleu et quand on connaît le dicton islandais “si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, attends dix minutes” on ne sait pas ce que nous réserve le lendemain, donc on tente l’ascension.

Vindbelgarfjall, la montagne solitaire

Petite route à gauche avant le grand lac de Myvatn, le parking est en bord de route, c’est indiqué assez sommairement par un simple panneau. De là un sentier court à travers les laves et les « gâteaux de lave” il y en a plusieurs, et même une bulle de lave ouverte comme un œuf de dragon, on pourrait rentrer sans problème à l’intérieur.

A présent qu’on est au pied du mur, ou plutôt de la montagne, malgré ses 530m elle semble beaucoup plus imposante de près que de loin ! Il y a 250m seulement à gravir en majorité sur 400m de distance…et les petits points qu’on entrevoit sur la crête sont bien des gens, c’est là qu’on se propose d’aller !

L’endroit est très humide, il y a une petite mare et on entend beaucoup d’oiseaux gazouiller dans les buissons ; il y a environ 2 km d’approche plus ou moins plate puis on attaque l’ascension dans les arbustes par des escaliers taillés dans la terre.

Vue sur la plaine et étangs

On gravit ensuite des marches de pierre taillées pour les Trolls puis une sente est tracée dans les éboulis de cailloux, parfois balayés par des bourrasques de vent froid, c’est vrai qu’on est encore et toujours en juillet…

La vue porte alors sur l’arrière montagne, plaine sans défaut avec une immense étendue d’eau aux multiples ilots de verdure illuminée par le soleil, le sentier grimpe en lacets incessants, littéralement à flanc de montagne toujours dans les cailloux, plus ou moins bien tracé.
La fin est moins abrupte mais le sol est plus poudreux et le vent soulève tant de poussière et de sable qu’il faut fermer toutes les écoutilles : lunettes, capuches, pour arriver finalement au sommet !

Une sente est tracée dans les éboulis de cailloux

Un vaste plateau où la vue est époustouflante sur toute la région à plus de 10 km aux alentours. D’abord sur le tout le lac Myvatn à nos pieds, à gauche Reykjalid la “ville” locale, Hverfell l’immense cratère régulier de scorie grises de 1 km de diamètre, Dimuborgir “le château noir” avec ses formations de lave, Skutustadir et ses pseudos volcans.

A nos pieds, la route d’accès et le parking, un Land Rover miniature – le nôtre- et juste à côté, quelques pseudos volcans qu’on n’aurait pas considéré plus que des taupinières autrement.
Pourquoi des « pseudos volcans » ? Car ces cratères presque parfaits ne sont pas issus d’une cheminée crachant lave et scories, mais de coulées de lave bouillante rencontrant des poches d’eau dans le sol, la vaporisant et explosant sous forme de bulles…

Pseudos volcans au bord du lac Myvatn

En arrière-plan derrière le lac Myvatn les montagnes de Blafjall, Burfell et la passe de Namaskard vers Namafjall, la zone du Krafla où continue la RN1. Malgré le beau temps, il ne fait pas chaud au sommet balayé par les vents et on ne s’attarde pas une fois repus de la vue.

Panorama depuis le sommet du Vindbelgarfjall

Panorama depuis le sommet du Vindbelgarfjall (cliquer sur l’image)

La descente est plus rapide que la montée par le sentier zigzaguant dans les cailloux, tout en prenant garde à ne pas chuter…A travers la zone désolée supérieure et caillouteuse la pente est quasiment à 45°, puis le sentier s’assagit vers le bas, toujours avec la vaste étendue d’eau et sa myriade d’ilots verts, qui reflète le soleil.

Passage dans la “forêt” d’arbustes hauts de 1,5 m qui doit s’alimenter de l’humidité lacustre, parsemée de fleurs comme la Bartsie alpine violacée, Silènes et d’autres encore.

Bartsie alpine violacée

Rencontre avec un des oiseaux entendus à l’aller ; il est moucheté sur le dessus, une bande blanche et noir sur le ventre, peu farouche il sautille dans l’herbe à quelques mètres de nous, c’est un pluvier doré !

Un pluvier doré

Fin de l’épisode Vindbelgarfjall, éreintés mais émerveillés, il faut à présent gagner Stong, notre logis. Sur la RN1 à quelques kilomètres, une grande pancarte indique le chemin à travers presque 5 km désertiques de lande, pâturages humides hantés par quelques moutons, arrosés par des ruisselets se déversant dans le fossé au bord de la route d’accès.

Stong

La ferme de Stong abrite une guest house dans des maisonnettes avec une cuisine indépendante, toilettes communes mais très modernes et complètes, chambre miniature mais il y a une table et un lavabo. Nous sommes très bien accueillis et on nous propose le repas du soir, et nous faisons notre choix dans la carte du jour : soupe du jour, agneau rôti ou morue et légume, skyr ou crumble en dessert…On l’a bien mérité après notre ascension !

Au fait… On dit qu’en Islande le plat du jour, c’est la morue. Tous les jours.
Si vous n’aimez pas le poisson ? Bon, c’est un peu exagéré…mais si vous ne voulez pas manger au restaurant car ils sont chers (ou rares parfois) le choix est quelques fois restreint en guest house, au poisson ou agneau, mais tous deux excellents et on est fier de vous servir des produits maison (pain, pâté, confitures…) et locaux (légumes et fruits de serre géothermique) !

Fin de la journée à notre petite maison dans la prairie, pas de risque de se fâcher avec nos seuls voisins à 10 km à la ronde…les moutons.