Nous avons pris nos quartiers d’été en altitude dans les Alpes Maritimes au-dessus de Nice, comme les troupeaux qui montent à l’estive…
Depuis la station de Valberg, à moins d’une heure de route de Nice, et à 1700m d’altitude il fait plus frais et moins lourd qu’à Montpellier : 25° tout au plus, c’est la température de la clim à la maison, sauf qu’ici c’est naturel et l’air est léger.
De plus on a droit à un petit orage quasiment chaque jour, qui rafraîchit l’atmosphère et fait monter une senteur agréable d’humus et de terre chaude.
Comme nous y venons depuis plusieurs années nous connaissons pratiquement toutes les ressources de randonnée et points de vue, mais il n’est pas inutile de refaire une randonnée ou la visite d’un site quand on ne l’a pas faite depuis de nombreuses années.
Ça n’est pas que la montagne change tellement d’une année sur l’autre, mais les souvenirs s’estompent, et le fait de faire la visite d’une façon différente permet de redécouvrir des merveilles après 15 ans…
C’est pourquoi je vous emmène en voyage à travers le temps et l’espace, dans :
La Vallée des Merveilles
Elle se situe à côté de la vallée de la Roya, près de la ville de Tende, à deux pas de la frontière italienne, au-dessus de Menton. Cette région était encore italienne jusqu’à l’après-guerre de 1945 où les frontières furent redessinées pour l’inclure à la France. Mais il règne encore un parfum d’Italie dans les bâtiments, les façades (voir le style mussolinien de la gare…) et l’accueil des locaux.
La piste qui monte vers les Merveilles débute près de Castérino, une minuscule station marquant le bout d’une route depuis St Dalmas de Tende où nous passons la nuit à l’hôtel (il y a 2 heures et demi de route depuis Valberg) car le départ de la visite est matinal.
On peut monter à pied depuis Castérino, mais il faut compter 3h00 de marche sur 7,5 km avec un dénivelé de plus de 700 mètres pour atteindre seulement l’entrée du site, le refuge des Merveilles, au bord du lac Long.
Ensuite entre 2h30 à 4h00 sont nécessaires pour découvrir les gravures tout au long du GR52 et des sentiers ; et à nouveau 3h00 pour la redescente quoique ça doit aller un plus vite…
Étant un site historique protégé inclus dans le Parc National du Mercantour, de ce fait on n’a pas le droit de sortir des sentiers et on doit se contenter de voir la plupart des gravures importantes expliquées, mais pas toutes.
Cette vallée renferme plus de 40 000 gravures très stylisées qui représentent principalement des têtes de taureaux, des attelages, des armes et des quadrillages qui pourraient symboliser des champs. Les recherches archéologiques montrent que cet endroit était probablement un sanctuaire, où les populations agropastorales de la région rendaient un culte à la fécondité de la terre.
C’est pourquoi nous avons donc choisi d’effectuer la visite avec un guide agréé en 4×4 qui nous véhiculera jusqu’au refuge et nous commentera les gravures et le site et, nec plus ultra, la possibilité de sortir des sentiers pour admirer les gravures hors classe !
Bouclez votre sac, n’oubliez pas une gourde (d’eau…), lunettes et crème solaire : ça cogne à 2400m sans nuages.
Et en voiture pour la piste acrobatique qui monte au refuge des Merveilles !
En piste
Quelques kilomètres avant Castérino, une piste pentue marque le début de la montée vers la vallée des Merveilles. A quelque distance, une ancienne mine de plomb argentifère, la Minière de la Vallaura, et ses haldes sont toujours là, ses bâtiments ont été restaurés en gite pour les promeneurs, et la mine est en train d’être réhabilitée pour être visitée d’ici quelques années.
Au-dessus, par la piste caillouteuse et cahotante, on passe près du petit lac de la Minière niché entre les pentes dans les bois de mélèzes verts.
Au fait savez-vous que ce conifère est le seul à perdre ses aiguilles à l’automne, qui passent avant par de belles couleurs jaunes et orangées à l’automne pour ne laisser qu’un tronc dépouillé et noir à l’hiver. C’est aussi un bois imputrescible qu’on utilisait pour les bateaux et toujours pour les bardeaux qui recouvrent certains toits encore. Pas ou peu de sécheresse ici, cascades et sources coulent partout à côté de la piste.
La piste gravit les pentes entre les mélèzes, avec juste de quoi laisser passer un véhicule en largeur ; un croisement en sens inverse ? Peu probable, il y a juste dix guides agréés qui montent tous en matinée et redescendent en fin de journée, plus quelques pêcheurs éventuels et les bergers qui ne bougent pas.
Des échappées sur les montagnes montrent les stries laissées par les glaciers sur les roches, comme les moraines latérales déposées il y a 10 000 ans, ainsi que les minuscules traces humaines sous forme de bunkers datant de 1939-45.
A travers les arbres on distingue enfin le mont Bego, imposante pyramide minérale qui culmine à plus de 2810m et qui a dû impressionner les habitants du néolithique vivant ici.
Le plus souvent la piste s’agrippe d’un côté aux rochers de la montagne, et surplombe le vide à la plus grande joie (…) des passagers !
Un peu avant d’arriver au refuge, les rochers changent d’aspect, on rencontre à présent des grands blocs violets de grès chargé de fer qui lui donne cette teinte, le tout parcouru de torrents issus des nombreux lacs de la zone.
De plus en plus ardue, la piste ondule entre les moraines erratiques, le 4×4 bringuebale de tous les côtés en roulant au minimum pour éviter les secousses, sans grand succès !
Heureusement le trajet motorisé touche à sa fin à proximité du refuge sur le parking.
Le bâtiment du refuge est assez vaste et se situe au bord du lac Long dans un cadre idyllique.
A la découverte des Merveilles
Ici commence la randonnée à la découverte des gravures laissées par des peuplades il y a 4 à 5 mille ans avant Jésus Christ, à l’âge du Bronze, dans un but encore ignoré aujourd’hui, sur les roches polies des vallées des Merveilles et de la vallée de Fontanalba juste à côté.
Des hommes ont réalisé des dizaines de milliers de gravures rupestres, à plus de deux mille mètres d’altitude, on en compte plus de 40 000 recensées à ce jour et il y en a encore à découvrir…
Depuis le refuge à 2100m le sentier emprunte le GR52, passe près du lac Mouton tout en contournant le lac Long puis en s’éloignant on domine progressivement le lac encaissé entre les pentes du mont Bego et le rocher des Merveilles.
Toujours sous la présence majestueuse qui écrase le paysage, on comprend qu’il devait impressionner les peuplades du néolithique, d’autant plus que le site encaissé est sujet à des orages violents.
On découvre enfin une première dalle gravée avec une tête de bovidé cornée reconnaissable, motif qui va se retrouver tout au long du parcours. Ces gravures sont réalisées par « cupules », petits éclats enlevés par un outil de quartz à la surface oxydée de la pierre pour former une figure.
Une autre dalle recèle diverses gravures :
Et plus loin encore un ensemble avec de nombreux glyphes différents ; personne ne sait avec certitude la signification de ces symboles, seulement des suppositions : les têtes cornues pour des bovins, les quadrillages pour des champs, les poignards pour la force, un « Y » pour une charrue. Qui sait ?
Malheureusement depuis le début du 19e siècle où elles ont été découvertes jusqu’à récemment, certaines gravures ont été vandalisées, taguées voir volées, De plus toutes ces figures cornues, avec des poignards ou personnages dénotaient un aspect satanique au site. Ce n’est que depuis peu qu’elles sont classées monument historique et protégées sévèrement.
Toujours plus haut…A travers les rochers et éboulis où les moraines en équilibre depuis des milliers d’années semblent veiller sinistrement sur le site, le sentier se fraye un passage. Pas étonnant que ce lieu ait effrayé les voyageurs passant par ces cols au cours des âges avec ces figures et rocs menaçants, d’où le nom d’un pic, Cime du Diable.
Certaines figures sont dans un cartouche, comme un enclos :
Le GR longe une paroi comme vitrifiée, aux strates tantôt verticales, tantôt horizontales, qui montre un basculement énorme dû aux plissements des Alpes.
Tout est calme, sans un bruit à part les sifflements des marmottes dans cette vallée ; en suivant le sentier au détour d’un lacet, le bruit chuintant d’un torrent emplit soudainement l’air.
On le franchit sur une passerelle de bois pour découvrir sur une paroi la gravure dite de la figure du Christ.
En fait il s’agit de plusieurs gravures superposées, un « V » avec le bas qui est une tête cornue, puis humanisée avec l’ajout du demi-cercle supérieur et des yeux et un « T » pour le nez et les sourcils…
Par un passage sous roche on progresse vers le lac des Merveilles enfin tout proche pour la pause de midi !
Environnés de marmottes sifflantes mais quasi invisibles, il faut attendre qu’elles bougent pour se dévoiler ! En face de nous sur la paroi rocheuse, l’une profite du soleil…
…ou l’autre vaque à ses occupations.
Après la pause casse-croute, notre cheminement contourne le lac pour emprunter l’ancien tracé du GR52 en s’élevant sensiblement parmi les fleurs d’été comme ces œillets sauvages minuscules.
Baleines et sorcier
En s’écartant du sentier accompagné de notre guide, il va nous montrer quelques formations rocheuses caractéristiques : les « dos de baleine », ce sont des roches arrondies, polies tout en longueur par le lent passage des glaciers, s’étirant sur une centaine de mètres ; vers 2400m d’altitude il fallait encore une certaine épaisseur de glace pour polir ces roches.
D’en haut sous le Rocher des Merveilles la vue jusqu’au lac Long est fantastique…
Quelque part dans un endroit caché dans les rochers se cache la figure iconique du site, l’emblème de la région, le fameux « sorcier » personnage aux bras levés, tenant deux poignards comme lançant une incantation face au Bego.
Les rochers usés en longs arrondis avec des teintes pastel forment un paysage digne d’un tableau.
Plus bas en redescendant vers le lac un autre ensemble des gravures se trouve sur le flanc d’un de ces blocs.
Il est temps de redescendre vers le refuge en rejoignant le sentier au niveau de la tête du Christ, puis dévaler sous le soleil le chemin de retour, on sent nettement la chaleur revenir au fur et à mesure qu’on diminue en altitude.
Juste avant d’arriver au refuge, une marmotte se prélasse au soleil sur un rocher, mais les yeux ouverts ; on ne sait jamais d’où peut venir le danger !
On aimerait bien l’imiter mais il faut prendre la piste infernale du retour…
Enfin la route depuis Castérino, en passant par l’autoroute Vingtimille-Nice pour le retour au bercail valbergan pour un repos bien mérité , à soigner courbatures, coups de soleil et..
é-Merveillés !